dimanche 27 juillet 2014

POUR UN DEVELOPPEMENT HUMAIN PAR LES CAPABILTES CHEZ AMARTYA SEN


Pour un développement humain par les « capabilités » chez Amartya SenFor human development according to Amartya Sen’s capabilities 



INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.    ÉTAT DE LA QUESTION
La question du développement fait couler beaucoup d’encre aujourd’hui plus que jamais. Autrefois elle était liée à la notion du bonheur entendu comme satisfaction des désirs individuels ou collectifs. Déjà dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote considère le bonheur comme finalité ultime. Pour lui, ce n’est pas la richesse qui compte mais le bien que celle-là procure. A nos jours, le débat sur le développement prend en compte toutes les dimensions du bien-être à savoir la consommation, la santé, l’éducation, le loisir, la participation, le lien social, l’environnement, et la sécurité. C’est dans ce contexte qu’Amartya Sen pense que les indices d’évaluation du progrès notamment le Produit Intérieur Brut[1] (PIB) et le Produit National brut[2] (PNB) sont insatisfaisants, étant donné qu’ils se fondent sur l’aspect économique du revenu par habitant et non sur la qualité de vie que mènent les gens. Il propose un nouvel indice, l’Indice du Développement Humain[3] (IDH), qui prend en compte la qualité de vie des individus. Il fait revêtir le développement d’un visage humain à travers son approche par les « capabités ». Cette approche conçoit le développement comme liberté. Celle-ci constitue le principe et la finalité du développement et non le revenu comme le pensent les philosophes libéraux à l’instar de John Rawls. Beaucoup de programmes et des projets se sont inspiré de cette nouvelle approche. D’où le débat sur le développement soutenable qui garantit aux générations présentes et futures  l’amélioration des « capabiltés » du bien-être social, économique et écologique pour tous, à travers la recherche  de l’équité.
L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) a lancé, dans sa stratégie à moyen terme pour 2002-2007, un programme interdisciplinaire avec pour thème « Humaniser la mondialisation ».[4] Ce programme visait de soutenir et de susciter les initiatives allant dans le sens de la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique des valeurs susceptibles de contribuer à l’humanisation de la mondialisation. En plus, les différents rapports du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) présentent des statistiques sur l’état du développement humain dans le monde. S’agissant, par exemple, de la sécurité humaine, le rapport de 1994 de PNUD formule sept composantes ou valeurs spécifiques qu’il faut partager. Il s’agit de la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité environnementale, la sécurité individuelle, la sécurité communautaire et la sécurité politique.
Par ailleurs, l’Agence Française de Développement (AFD), dans son Département de la Recherche a publié un ouvrage, sous la direction de Valérie Reboud,  intitulé Amartya Sen : un économiste du développement ? Cet ouvrage présente les travaux d’Amartya Sen qui ont nourri la réflexion sur le développement et ses moyens d’action. L’approche par les « capabilités » et ses interprétations par différents penseurs y occupent une place centrale.
 De sa part, aux éditions Odile Jacob, Joseph Stieglitz, en collaboration avec Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, a publié en 2010, l’ouvrage intitulé Richesse des nations et bien-être des individus. Préfacé par le président français Nicolas Sarkozy, cet ouvrage traite des questions sur la mesure des performances économiques et du progrès social, d’un côté, et celles relatives au PIB, à la qualité de vie et au développement durable. Il reformule douze recommandations qui vont dans le sens d’une prise en compte de toutes les dimensions du bien-être. Il s’agit de mettre plus d’accent sur la mesure du bien-être de la population en se référant aux revenus et à la consommation plutôt qu’à la production ; de privilégier le calcul du revenu et de la consommation des ménages ; de prendre en compte le patrimoine ; d’utiliser les activités, les valeurs centrales médianes ; d’intégrer les activités non marchandes dans les revenus ; de fournir les indicateurs d’inégalité de la qualité de vie ; d’étudier les liens entre les différents aspects de la qualité de vie ; de construire de nouveaux indicateurs de la qualité de vie ; de collecter l’évaluation que fait chacun de sa vie, de ses expériences et propriétés ; de mettre en place des signaux d’atteinte à l’environnement ; de disposer d’un tableau de bord de la soutenabilité permettant d’apprécier les variations des stocks. Ils soulignent que les dimensions objectives et subjectives sont toutes importantes dans l’évaluation du développement.[5]
Notre ambition s’inscrit dans le cadre de la recherche du fondement de la qualité de vie. Ce thème n’a jamais été abordé dans les travaux de la faculté des lettres et sciences humaines à l’Université Officielle de Bukavu, en général, et au département de philosophie en particulier. Pour ce faire, nous pensons que le présent travail pourra susciter la curiosité scientifique des étudiants en philosophie afin d’en approfondir et d’en élargir le contenu.
2.   PROBLÉMATIQUE
Les échanges commerciaux s’accroissent au fait de maintenir d’un côté les pays riches et, de l’autre les pays pauvres. Cette réalité n’est pas récente. Elle remonte aux temps les plus anciens. L’histoire des juges et des rois de la Bible, les conquêtes romaines, peuvent en être les exemples les plus expressifs.  Le désir de s’enrichir économiquement et de répandre le pouvoir politique était le moteur de ces conquêtes. Ainsi, la quête d’intérêt économique, politique et géopolitique reste inhérente à l’homme. Bien qu’ancien, c’est autour du XVIème siècle que ce phénomène prend de l’ampleur suite à la pluralité des économies dans le monde. D’où la naissance du concept de mondialisation de l’économie[6]. Toutefois, « c’est à partir du XIXème siècle que le phénomène d’unification tend à dessiner un mouvement irréversible, littéralement adossé à la révolution industrielle que connaît alors la Grande-Bretagne »[7].
En effet, le phénomène de la globalisation s’accélère avec la libéralisation du marché mondial. Ce dernier se caractérise par la loi de l’exportation et de l’importation. La libéralisation du marché sur la scène mondiale aura pour conséquence le primat des considérations économiques sur des considérations morales, sociopolitiques, conduisant à l’imposition des entreprises privées et des organisations intergouvernementales, internationales ou régionales dans la gestion des affaires. Aussi assistons-nous au risque de faire prévaloir les considérations économiques et financières sur les questions fondamentales d’ordre social, sanitaire ou environnemental, moral et existentiel. D’où trois questions fondamentales pour cette étude :
v  La croissance économique poursuivie par les philosophes libéraux et soutenue en cela par les théoriciens de l’économie du marché favorise-t-elle réellement l’épanouissement de la personne humaine?
v  Quels sont les enjeux économiques, politiques et socio-environnementaux du phénomène de la mondialisation ?
v  Quelles sont les conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie individuelle, surtout en ce temps où l’économique l’emporte sur les intérêts complets et totaux de l’homme?
3.    HYPOTHÈSE
La tentative de résoudre les problèmes que pose le phénomène de mondialisation a fait naître parmi les philosophes et économistes, le débat sur le développement qui prendra en compte toutes les dimensions de la vie humaine. Le philosophe et économiste Amartya Sen introduit, une nouvelle vision du développement. Pour lui, le développement n’est humain que dans la mesure où il augmente les possibilités des individus de mener une vie conforme à leurs attentes. Ainsi entend-t-il par développement humain une augmentation des libertés des individus comme moyen et fin du développement. C’est par les « capabilités » que la qualité de vie peut être meilleure, et par conséquent, épanouir l’homme. Les gens devront être dotés de moyens nécessaires dans le choix de mode de vie qu’ils souhaitent mener. Car l’option libérale de l’économie de marché a creusé le fossé entre pays et réduit l’épanouissement de l’homme.


4.   CHOIX ET INTÉRÊT DU SUJET
Le débat sur la préservation du patrimoine naturel en général et de l’humanisation de la mondialisation en particulier, s’est rapidement transformé en quelques années, en une réflexion plus globale sur les conditions que le développement économique doit respecter pour que les choix présents ne pénalisent pas les générations futures. Cette réflexion s’appuie sur le concept du développement durable dont le contenu est précisé par la Commission Bruntland (1987)[8]: « Le développement durable est un développement qui permet à la génération présente de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des  générations futures à répondre à leurs besoins ». Ce processus prend en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales, sans attribuer de priorité à l’une d’entre elles.[9] Pourtant, c’est bien la dimension environnementale qui semble être privilégiée dans des conférences internationales. Pour cette raison et mû par le désir de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie humaine, nous faisons nôtre cette problématique. Nous appuyant sur les écrits d’Amartya Sen en général et plus précisément sur son concept de « capabilité », nous avons intitulé notre travail de la manière suivante : « Pour un développement humain par les ‘’capabilités’’ chez Amartya Sen ». Par cette entreprise scientifique nous entendons contribuer au débat sur l’ « humanisation de la mondialisation ».[10] Comme réflexion philosophique, notre travail s’inscrit en philosophie morale, car il se veut une éthique de l’économie du marché et de la vision politique libérale.
5.    MÉTHODE
Toute entreprise scientifique, de quelque nature soit-elle, traite d’un objet en vue d’une finalité moyennant une méthode bien précise. Ce présent travail ne fait pas exception. Son objet est le développement humain. Sa finalité est d’établir les conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie des personnes. Pour y parvenir nous procéderons par une lecture analytique et critique. Par lecture analytique, il faut entendre l’analyse du phénomène de la mondialisation. Par lecture critique il sera question d’un effort d’interroger la pensée  d’Amartya Sen sur le développement conçu comme un ensemble des libertés, d’en mesurer la portée afin de présenter les limites de l’économie libérale. D’autres ouvrages et articles faisant référence à notre problématique, des conférences s’y référant ainsi que l’internet constituent une source non négligeable dans l’accomplissement de notre projet.
6.   SUBDIVISION DU TRAVAIL
Eu égard à l’objet de notre recherche scientifique qui est celui du développement entendu comme épanouissement, nous allons cheminer en trois temps. D’abord, l’examen du phénomène de la mondialisation constituera le socle du premier chapitre. Il sera ici question de répondre d’un côté, à la question de savoir si la croissance économique profite aux plus démunis par ses enjeux économiques, politiques, socio-environnementaux et moraux. Ensuite, l’analyse des dérives de la mondialisation nous conduira à l’établissement des conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie humaine à la lumière du concept de « capabilité ». Telle sera la pierre angulaire du deuxième chapitre. Le troisième chapitre, enfin, portera sur la question de savoir comment, par les « capabilités », les différents acteurs économiques peuvent assumer leurs responsabilités éthiques sur le marché mondial. Ces trois moments seront précédés d’une introduction générale et clôturés par une conclusion générale.




7.        DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
Au cours de la rédaction du présent travail nous nous sommes heurtés à des difficultés qu’il s’avère important de mentionner. L’une de ces difficultés était celle du manque d’ouvrages philosophiques traitant de notre sujet, étant donné qu’il semble être plus du domaine économique que philosophique. Pour relever ce défi, nous avons fait la commande de l’ouvrage qui sous a servi de base à notre rédaction. Il s’agit du livre d’Amartya Sen intitulé Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté.  L’autre difficulté était celle des sollicitations des notions en science économique dès lors que nous abordons la question du développement en philosophie. Nous avons contourné cette difficulté grâce au recours à l’outil internet et à la consultation des dictionnaires appropriés. Cette difficulté a fait naître en nous le désir d’étudier, dans le futur les sciences économiques pour mieux en saisir la quintessence.
6. VIE DE L’AUTEUR[11]
Economiste et Philosophe indien, Amartya Kumar Sen (en Bengali : অমর্ত্য কুমার সেন, Ômorto Kumar Shen) est né le 3 Novembre 1933 sur un Campus universitaire à Santiniketan, dans l’actuel Etat du Bangale-Occidentale. Son père fut professeur de Chimie à l’université de Dhaka, actuelle capitale de Bangladesh. Son grand-père fut philosophe et auteur des écrits sur la civilisation indienne et, en particulier sur l’hindouisme. Il fut également professeur de Sanskrit à l’université Visva Bharati à Santiniketan.
Amartya Sen a reçu le « Prix Nobel » d’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l’économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté et sur le libéralisme politique. De 1998 à 2004, Amartya Sen a été Directeur du Trinity College à l’université de Cambridge, devenant ainsi le premier universitaire asiatique à diriger un des collèges d’Oxbridge.
Amartya Sen est aussi une partie prenante dans le débat sur la mondialisation. Il a donné des conférences devant les dirigeants de la Banque Mondiale. Il est le président honoraire d’Oxfam. Parmi ses nombreuses contributions à l’économie du développement, Amartya Sen a fait des études sur les inégalités entre les hommes et les femmes. On lui reconnait l’invention, en collaboration avec Mahbub Ul Haq, de l’Indice du Développement Humain(IDH) paru en 1990 dans le rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement(PNUD). Le concept fondamental de ses travaux est celui de « capabilité ».
Il a écrit entre autres :
Development as Freedom(1999) traduit sous le titre de : « Un nouveau modèle économique et social. Développement, justice et liberté » ; Ethique et économie et autres essais, traduit de l’anglais par Sophie Marnat, PUF, Paris, 1993 ; Choice of technics :an aspect of the planned economic development (1960); Identité et violence(2010); L’idée de justice(2012); Choice welfare and Measurement(1983); Repenser l’inégalité(en collaboration avec Paul Chemla, 2012) ; L’économie est une science morale (en collaboration avec Marc Saint Upéry, 2004) ; Growth économics (1970) ; On économics inequality (1989) ; La démocratie des autres (en collaboration avec Monique Bégot, 2006) ; Dix vérités sur la mondialisation (2001) ; etc.












PREMIER CHAPITRE : DU PHÉNOMÈNE DE LA MONDIALISATION

La mondialisation continue à faire parler d’elle. Pour Amartya Sen, elle « n’est pas un phénomène nouveau pas plus qu’elle n’est une simple occidentalisation. Pendant plusieurs années, poursuit-il, la mondialisation a progressé du fait des voyages, du commerce, des migrations, de l’expansion des cultures, de la propagande du savoir et des découvertes (y compris dans la science et la technologie). Les influences ont joué dans diverses directions. Ainsi, vers la fin du millénaire qui vient de s’achever, le mouvement s’est en grande partie opéré à partir de l’Occident, mais à ses débuts (aux environs de l’an 1000), l’Europe s’imprégnait de la science et de la technologie chinoises, des mathématiques indiennes et arabes[12]. »
Il faut se garder de confondre la mondialisation avec un réseau de solidarité internationale ou mondiale. Tout au contraire elle apparaît dans son fonctionnement concret comme le nouveau pilier du capitalisme. Aussi est-elle sous-tendue, motivée par une quête d’intérêts (économiques, politiques, géopolitiques) divers, mais globalement contrôlés par de grandes firmes logées dans de grandes puissances mondiales. Ce nouvel ordre économique mondial présente un contraste : d’une part, la prospérité sans précédent de certains pays, et d’autre part, l’immense misère que connaissent les pays dits du tiers monde[13]. Ce contraste nous pousse à la question de savoir si la croissance économique, qui fonde l’économie du marché, favorise réellement l’épanouissement de tout l’homme. La tentative de réponse à cette problématique constitue la pierre dorsale de ce présent chapitre.
Pour y parvenir nous allons procéder en trois temps. D’abord, nous tenterons de comprendre ce qu’est la mondialisation : sa définition et son histoire. Ensuite, il sera question d’examiner les facteurs et les acteurs de ce phénomène. Enfin, nous jetterons un regard sur les enjeux socio-économiques, politiques et environnementaux de la mondialisation.



I.1. Définition et historique de la mondialisation

I.1.1. Définition

            Le monde est en train de devenir un unique immense marché, un village planétaire. La mondialisation fait référence à un processus qui se caractérise par l’expansion des télécommunications et des technologies de l’information, la réduction des barrières nationales au commerce et à l’investissement, l’accroissement des flux de capitaux et l’interdépendance des marchés financiers. S’il en est ainsi, que désigne le concept de mondialisation ? Le rapport du module environnement[14] définit la mondialisation comme une vague de libéralisation des échanges, des investissements et des flux de capitaux ainsi que l’importance croissante de tous ces flux et de la concurrence internationale dans l’économie mondiale. Le concept de mondialisation traduit surtout une intensification des échanges économiques entre les principaux pôles de croissance que sont l’Amérique du Nord, le Japon, l’Europe occidentale, les nouveaux pays industrialisés d’Asie dont la Chine, l’Inde et l’Indonésie. Ces évolutions, poursuit ce rapport, provoque de grandes innovations technologiques dans des pays en voie de développement. Ces innovations ont pour conséquence le rétrécissement de l’espace international en créant des interactions toujours plus denses entre les sociétés. Par ailleurs, la mondialisation suppose un essor des échanges socioculturels entre les différentes régions du monde, la prolifération d’ONG, de réseaux et d’associations de toutes sortes qui s’organisent sur une base transnationale.

Bernard Guillochon définit la mondialisation en trois moments. Dans un premier moment, la mondialisation désigne « l’ensemble des phénomènes qui résultent de l’ouverture croissante des économies aux marchandises et aux capitaux étrangers[15] ». Ainsi comprise, la mondialisation se fonde sur l’intensification des relations commerciales. Cette intensification des échanges est largement faite des entreprises multinationales issues, en majorité, des pays les plus industrialisés. Dans le deuxième moment, la mondialisation désigne « la migration des hommes à la recherche de meilleurs salaires[16] ». Dans un troisième moment, le concept de mondialisation désigne « une formidable accélération des transactions sur le marché des titres, ce qui peut provoquer la déstabilisation de toutes les économies, comme le révèle la crise de 2008[17] ». Bref, « le terme de mondialisation désigne l’ensemble des phénomènes à travers lesquels la vie de chaque habitant de la planète est liée, au moins en partie, à des décisions prises en dehors de son propre pays et sur lesquelles il n’a aucune influence[18]. »
Le concept fondamental du débat sur la mondialisation est la globalisation financière. Ce concept est utilisé pour désigner les échanges basés sur la recherche de meilleures opportunités de profit par les entreprises. « L’organisation  des processus productifs à l’échelle du globe et la rapidité des circulations de l’information stimulent les échanges entre les nations. Cette globalisation financière se caractérise par la facilité avec laquelle les capitaux se déplacent dans le monde entier[19]. » La mondialisation est ainsi un phénomène qui entraîne tout sur son passage.

I.1.2. Histoire de la mondialisation

Comme mentionné plus haut, la mondialisation n’est pas un phénomène récent. Déjà à la renaissance, une partie du développement de l’Europe est basé sur les échanges avec des régions lointaines. La globalisation de l’économie remonte donc au XVIème siècle. Cependant, il faut remarquer que c’est à partir du XIXème siècle que ce phénomène d’unification tend à dessiner un mouvement irréversible, littéralement adossé à la révolution industrielle que connaît alors la Grande-Bretagne. L’ouverture des marchés a provoqué des résistances qu’illustrent les barrières douanières britanniques, françaises, allemandes et américaines.
Il n’est pas facile de tracer l’histoire de la mondialisation étant donné que ce phénomène est lié à l’homme de tous les temps. Certains auteurs répartissent ces phénomènes sur deux vagues, d’autres sur trois phases. Nous nous proposons d’examiner ces deux tendances qui, loin de se contredire, se complètent mutuellement.
Bernard Guillochon divise l’histoire de la mondialisation de l’économie en deux vagues. La première vague s’étend sur la période allant de 1850 à 1914. L’économie mondiale est dominée en cette période par la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis. En effet, au milieu du XIX ème siècle, on assiste en Grande-Bretagne aux mutations profondes de la révolution industrielle, de la mécanisation du textile, de l’introduction de la machine à vapeur, de la production de masse, de la construction des chemins de fer. La Grande-Bretagne et la France signent un traité en 1860 portant sur la suppression des droits de douane. Ce traité marque le début du processus de libéralisation en Europe. Cette première manche de la mondialisation est aussi ponctuée par la croissance des échanges internationaux dans la production mondiale d’une part, et de la baisse du coût du transport maritime due au remplacement de la marine à voile par la marine à vapeur, d’autre part.
La deuxième vague va de 1950 à nos jours. Cette période est soutenue par l’adoption par les pays occidentaux (à partir de 1945) des politiques macroéconomiques inspirées du keynésianisme[20] ; la création des institutions multilatérales dans le but de coopération ; la création du FMI, issue des accords de Bretton Woods en juillet 1944 et mise en place d’un nouveau système monétaire international fondé sur la fixité des taux de change. En 1947, les gouvernements signent l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT : General Agreement on Tarifs and Trade) dans le but de libéraliser le commerce. Cet accord a servi de cadre dans les négociations commerciales multilatérales sur les abaissements de barrières aux échanges. En 1994, le GATT est remplacé par l’OMC.
Entre ces deux vagues de mondialisation se situe la période d’entre-deux-guerres. Pendant cette échéance, le marché mondial est dominé par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France. La première Guerre Mondiale a été favorable à certains pays. D’un côté elle a permis au commerce des États-Unis, du Japon et de l’Amérique Latine de bénéficier d’une expansion bien supérieure à celle de la période antérieure ; de l’autre, on assiste à une crise appelée « crise de 1929 ».  En effet, le jeudi 24 octobre 1929 est une date importante dans l’histoire de la mondialisation. Elle marque, d’une part, l’effondrement des cours boursiers de Wall Street, et d’autre part, le début de la crise de 1929 qui a eu pour effet la dévaluation dans le but de stimuler les exportations, l’instauration des barrières dans le but de protéger le marché domestique, chute profonde du commerce mondial et le repliement des pays industrialisés sur leurs zones d’influence (L’empire colonial pour la France, le Commonwealth pour la Grande-Bretagne).
Les deux vagues de la mondialisation présentent quelques points communs qu’il sied de mentionner ici. Il s’agit de la croissance rapide des échanges commerciaux, investissements directs étrangers, migrations humaines, transformations profondes du système productif, augmentation de certaines inégalités aussi bien entre pays qu’au sein des pays, baisse du coût de transport. S’agissant des points divergents, il faut remarquer qu’avant le démarrage de la première mondialisation, la plupart des pays étaient unis en quelque sorte par leur pauvreté commune et par le fait que leur activité dominante était l’agriculture. C’est le contraire pour la deuxième mondialisation qui s’ouvre dans le contexte d’inégalité. Dans les années 1950, le monde se trouve divisé entre les nations riches et les nations pauvres. Il y a accélération de la circulation d’informations dans la deuxième mondialisation et la facilitation du commerce des biens et des mouvements de capitaux à court terme. On assiste, également, dans cette phase, à une évolution notoire du système économique. Aujourd’hui, les peuples réclament la croissance et le plein emploi. D’où la contrainte d’adopter des politiques qui atténuent les effets de la mondialisation. De 1950 à nos jours, les échanges internationaux sont, au moins en partie, régulés par les institutions supranationales (OMC, FMI et Banque mondiale) et non plus par un seul pays leader comme c’était le cas du Royaume-Uni entre 1850 et 1914.
Par ailleurs, certains rapports abordent la question de l’histoire de la mondialisation en la subdivisant en trois phases[21] .





I.1.2.1.La première phase couvre la période 1849-1914

Elle correspond à la mise en place d’un espace mondial des échanges de matières premières, de productions agricoles et industrielles. A cette époque, l’Angleterre entame sa croisade libre-échangiste, à contre-courant du protectionnisme qui se répand dans les années 1880 en Europe. L’apparition du chemin de fer et la révolution maritime, rendues possibles grâce à la machine à vapeur, permettent l’apparition d’un marché mondial. La baisse du coût des transports encourage des flux commerciaux nouveaux, d’abord interrégionaux puis internationaux. L’Europe participe aux deux tiers des échanges mondiaux, principalement dans les domaines du charbon, du fer et des produits manufacturés. Par cette forte participation au marché mondiale, l’Europe s’affirme comme la première zone commerciale du monde. Au sein de cette Europe  en plein essor sont nées des tensions commerciales, entre une Allemagne dont le commerce est en phase d’expansion et un Royaume uni sur le déclin. Deux systèmes d’alliance se forment : le Triplice de Bismarck d’un côté, et la Triple Entente (France, Russie, Royaume-Uni), de l’autre. Ces échanges commerciaux sont sources de profit et de puissance. Les flux financiers tendent à devenir internationaux : l’or européen ruisselle sur le monde. Ce vieux contient exporte des capitaux dans le monde entier.
Cette phase de la mondialisation est également marquée par des flux migratoires denses. Ceux-ci ne sont pas dus seulement à la grande famine irlandaise dans les années 1845, mais aussi aux 50 millions d’Européens qui ont immigré vers de colonies de peuplement jusqu’en 1914. Ces mouvements démographiques peuvent être expliqués tout d’abord par l’existence d’un monde « plein » et d’un autre « vide », mais également par un attrait tout particulier pour le nouveau monde, synonyme de liberté, d’enrichissement rapide, d’une terre peu coûteuse. Ainsi  assiste-t-on à une véritable course aux colonies et au partage du monde. Deux grandes puissances s’affirment : l’Angleterre qui domine sur les Indes, la Birmanie, Singapour, Hong Kong, Boméo, Sumatra, la Malaisie ;  et la France qui possède des territoires en Indochine, en Afrique noire, occidentale, équatoriale et du Nord.



I.1.2.2. Une deuxième phase s’ouvre avec la résistance des États et couvre la période 1914-1989

 Elle marque un coup d’arrêt à la mondialisation des capitaux, des biens et de services. Appelée également  « l’entre-deux-guerres », cette période est synonyme du repli à l’ouverture mondiale des pays européens. En effet, le vieux continent est affaibli, après la catastrophe démographique, monétaire et financière, résultat de la guerre de 1914. C’est une période qui profite donc à l’émergence des Etats-Unis comme première puissance mondiale, ainsi qu’à l’anticolonialisme. L’Europe perd son prestige de modèle. Cette perte débouchera sur une préparation progressive à l’auto détermination, tout d’abord avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un désordre monétaire sans précédent apparaît dans les années 20 : le mark s’effondre, le franc est en difficulté et la monnaie britannique connaît bien des malheurs, pris au piège de la monnaie forte ; le Royaume uni connaît un recul des exportations, une stagnation de l’économie et une montée du chômage.
Le commerce mondial demeure fragile à cause d’une nouvelle donne économique, avec les Etats-Unis au poste de leader des transactions, et qui en profitent pour donner l’exemple en matière de protectionnisme, en relevant les protections douanières à 30% de la valeur du produit importé. Des mesures qui ne contribuent pas à redynamiser les échanges mondiaux.
Les migrations de masse s’estompent car les pays d’accueil ferment tour à tour leurs frontières aux migrants. C’est le cas des Etats Unis, du Canada, du Brésil, de l’Argentine et de l’Australie.
La crise devient mondiale dans les années 30. Le krach  boursier du 20 Octobre 1929 à Wall Street marque un coup d’arrêt aux investissements et à la consommation. S’ensuit une insuffisance de la demande par rapport à l’offre, d’où une crise de surproduction. La chute des prix est inévitable, entraînant dans son sillage faillites et fermetures d’un grand nombre d’entreprises, faisant par là même exploser les chiffres de chômage. La « Hoover panic » s’étend par un effet domino à l’Amérique Latine et au Japon. Les Etats-Unis retirent tous leurs capitaux des pays européens, ce qui asphyxie l’Allemagne et toute l’Europe centrale.
Dans un milieu aussi peu propice aux échanges, le commerce international ne peut que s’effondrer. Les pays tombent alors dans l’engrenage du protectionnisme ; c’est le cas de l’Angleterre qui devient protectionniste en 1932 et de la France. D’autres pays ont recours à l’autarcie : l’Italie l’avait ordonné dès 1925, avec la bataille du blé.
La fragmentation monétaire se fait plus  prégnante dans la vie économique mondiale. Le 23 Juillet 1933, la France, l’Italie, la Suisse, le Pays Bas, la Belgique, la Pologne s’allient sous la bannière du Bloc Or, principalement pour lutter contre la politique de dépréciations des Etats-Unis. Mais dès 1933, cette alliance connaît de sérieux revers : de lourds déficits commerciaux, qui poussent ensuite l’Italie à se retirer en 1934, puis la Belgique en 1935. En Septembre 1936, cette alliance se dissout définitivement.

I.1.2.3. Une troisième phase : la mondialisation contemporaine

 Elle prend ses origines dans l’après-Deuxième Guerre mondiale : les interactions et échanges de capitaux, de biens et de services se développent mais entre des espaces comparables, entre des blocs régionaux, entre les puissances industrielles. Cette mondialisation contemporaine s’effectue par le retour au principe du libre échange, sous l’égide de Roosvelt ; les accords du GATT signés en 1947 dont les dispositions concernent les tarifs douaniers et le commerce. Suivra en  1949 la Charte de la Havane qui complète le GATT.
Dans les années 70, on assiste à la résurgence de quelques incertitudes. Le premier choc pétrolier met en cause quelques principes jusqu’alors incontestés. C’est désormais l’instabilité qui préside aux échanges. En 1979, c’est le deuxième choc pétrolier, le prix du baril de pétrole s’envole. Il faudra attendre les années 85-90 les effets du contre-choc pétrolier, c’est-à-dire la chute du prix de l’or, possible grâce à une politique contre le gaspillage, à l’ouverture de recherches sur le nucléaire et les énergies dites nouvelles, et au recul des énergies lourdes grandes consommatrices d’énergie.
Dans les années 90, les évolutions conjecturelles sont régionales. La prise de conscience et d’initiative n’est plus seulement réservée aux nations, elle s’est démocratisée aux collectivités territoriales et aux associations, aux acteurs sociaux locaux. Les années 1997 et 2000 connaissent une augmentation de 11% du volume du commerce mondial. Ce dynamisme s’accompagne d’une insertion accélérée des pays en développement dans ces échanges mondiaux.


I.2. Facteurs et acteurs de la mondialisation

I.2.1. Facteurs de la mondialisation

L’histoire de la mondialisation nous a révélé l’existence de facteurs qui ont contribué à déclencher le processus de globalisation et à l’entretenir. Ce phénomène est voué à l’expansion vers toujours plus de ressources, vers des interactions entre plusieurs acteurs économiques plus importantes et plus lourdes de conséquences. Le rapport du module sur l’environnement souligne trois facteurs illustrant cette tendance à la croissance. Il s’agit : primo, des exportations des marchandises et des flux de population. D’après les chiffres recueillis en 2000, les Etats-Unis et la Russie arrivent en tête de la liste des 15 pays ayant récence le plus grand nombre de migrants internationaux du monde, avec respectivement 35 millions et 13,3 millions de personnes[22]. Ces flux de population particulièrement dense sont à mettre en rapport avec les migrations des colons et des Irlandais au début de la mondialisation et aux moyens de transports dont ils disposaient alors. La baisse sensible du coût des transports influence l’accélération de cet aspect de la mondialisation. Tant que les transports ne seront pas un facteur limitant de par leur prix, pour le libre-échange de marchandises ou la libre circulation des personnes, ces flux continueront de s’accroître.
Secundo, les télécommunications. En effet, l’évolution des techniques, depuis  la machine à vapeur jusqu’à la mécanisation des tâches, a permis aux transports de jouer un rôle crucial au niveau de la mondialisation. C’est par eux que les transferts de matières premières ou des capitaux ont pu être effectués. Les migrations de masse, et aujourd’hui la délocalisation[23] massive des industries sont les résultats de cette facilité à se déplacer. Les communications facilitent la circulation rapide des informations et permettent la sécurité dans la prise de décision, surtout nécessaire au fonctionnement d’une économie. Cependant, les moyens de communication sont évidemment appelés à croître dans le futur. Cette croissance pourra avoir des conséquences géopolitiques très marquées. L’essor des télécommunications  génère de nombreux emplois, et ceux-ci sont en grand nombre localisés en Asie (Pakistan, Inde, Corée et Chine).
Tertio, l’abolition des barrières commerciales, la libéralisation des marchés financiers et la libre circulation des flux d’épargne. En effet, les échanges de capitaux entre les nations et les continents sont régis par les lois du marché mondial. Cette normalisation constitue la clé de voûte d’une globalisation des échanges, et surtout d’une dynamique de gommage des inégalités. D’où la possibilité de soutenir financièrement un pays en difficulté, d’effacer une partie de sa dette extérieure, et d’y investir pour l’aider à se construire.
Bernard Guillochon, de son côté, résume ces facteurs en trois « D ». Ces phénomènes, pour lui, ont favorisé l’accélération de la globalisation financière. Il s’agit de la Déréglementation, du Décloisonnement et de la Désintermédiation. Ces trois « D » ont facilité, à partir des années 1980, la circulation du capital entre les pays, sous toutes ses formes, particulièrement sous la forme d’investissement de portefeuille.
En effet, certaines barrières  juridiques ont déréglementé les gouvernements. Cette déréglementation a facilité les entrées et les sorties des capitaux dans ces gouvernements. La mobilité financière a été également rendue possible par la suppression de certains obstacles légaux empêchant auparavant la communication entre divers marchés financiers.  Enfin, les banques, qui sont des intermédiaires financiers, ont été remplacées, en partie, par les marchés financiers(les bourses). C’est la désintermédiation. Celle-ci correspond à un accroissement sans précédent du volume des transactions sur titre (actions et obligations) et la création d’instruments financiers nouveaux avec pour objectif de permettre de se prémunir contre certains risques.

I.2.2. Les acteurs de la mondialisation[24]

La mondialisation est une dynamique dont les vrais acteurs se trouvent être les grandes puissances occidentales, avec en tête les Etats-Unis d’Amérique. Le mot « puissance » signifie dans le contexte mondial actuel que ces pays  sont riches, forts (force de feu  ‘’bombe atomique’’, force financière, force scientifique,…) et ont par conséquent les moyens de se faire craindre, de s’imposer à tout le monde, d’intervenir où ils veulent quand ils veulent pour des raisons des intérêts qui leur sont propres.
Il faut noter que la consolidation des puissances internationales ne doit rien au hasard. En effet, l’invention de la bombe atomique a permis aux Etats-Unis, en coalition avec l’Angleterre et la France de vaincre le IIIème Reich, le nazisme hitlérien et mettre ainsi fin à la IIème Guerre Mondiale L’Allemagne se relèvera vite et reprendra le commandement transatlantique et le conseil de sécurité où siègent la Chine, le Japon et la Russie, à côté de grandes puissances occidentales déjà citées. Autant dire que les grandes puissances actuelles qui siègent toutes au Conseil de sécurité de Nations Unies ne sont finalement que les protagonistes de la IIème Guerre mondiale décidés de s’unir pour mieux se protéger, protéger leurs intérêts et, à la phase actuelle, contrôler  le monde.
Comment ces puissances contrôlent-elles effectivement le monde et l’alignent à leurs intérêts ? La réponse passe par des structures qui le leur permettent: les institutions multilatérales, les relations bilatérales, ainsi que des entreprises transnationales.
I.2.2.1. Les institutions multilatérales
Il s’agit des institutions internationales qui regroupent en leur sein plusieurs Etas telles que le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, les systèmes des Nations Unies (ONU, CPI, OMC, OMS). Sans aucune prétention à l’exhaustivité, analysons quelques-unes qui nous semblent principales.
La Banque Mondiale investit contre la pauvreté. Le groupe de la Banque Mondiale comporte cinq organismes. La BIRD (la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) créée en 1945, a pour objectif de réduire la pauvreté des pays à revenus intermédiaires et des pays pauvres solvables. Elle soutient le développement par des prêts, des garanties et des services gratuits, en particulier des conseils. Les pays membres, au nombre de 185 en 2009, sont propriétaires du capital de la Banque. Les fonds prêtés sont, pour l’essentiel, obtenus sur les marchés financiers internationaux par émissions d’obligations.
L’IDA (Association internationale pour le développement) accorde des prêts sans intérêts aux pays les plus pauvres, grâce aux contributions des Etats des pays les plus riches. La SFI (Société Financière Internationale) organise des financements en partenariat avec d’autres investisseurs, souvent privés, pour permettre de réaliser des projets dans les pays en développement. L’AMGI (Agence de Garantie Multilatérale des Investissements) assure les investisseurs étrangers qui financent des projets dans les pays en développement contre les pertes liées à des risques non commerciaux. La CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements) organise la conciliation et arbitre, si besoin est, les conflits entre investisseurs étrangers et Etats où les investissements ont eu lieu.
Le FMI (Fonds Monétaire Internationale) investit dans la surveillance contre les dérives économiques. La décision de créer le FMI a été prise à la conférence de Bretton Woods  de 1944 et l’institution est entrée en fonction en décembre 1945, après ratification des statuts. Il siège à Washington. En juin 2009, le FMI compte 185 pays membres. Ses objectifs sont : encourager la coopération monétaire internationale, faciliter le commerce mondial, permettre la facilitation des changes, aider à établir un système multilatéral de paiements, aider temporairement les pays qui ont des difficultés de balance de paiements. Ses grands domaines d’activité actuels sont la surveillance des politiques de change et des politiques macroéconomiques adoptées par les membres, l’assistance financière par l’attribution de crédits et de prêts aux pays membres ayant des difficultés de balance de paiements, l’attribution de concours concessionnels pour la croissance(FRPC), l’instauration d’allégement de la dette au titre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés(PPTE). De plus, il apporte une assistance technique pour aider les pays à mieux concevoir et mieux gérer leurs politiques macroéconomiques.
L’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Créée le 01/01/1995 par les négociations du cycle d’Uruguay (1986-1994), l’OMC possède son siège à Genève. Elle comptait, en 2009, 153 membres. Ses principales fonctions consistent en l’administration des accords commerciaux signés par les membres, l’organisation des négociations commerciales multinationales, le règlement des différends commerciaux portés devant sa juridiction et le suivi des politiques commerciales. Elle apporte également une assistance technique aux pays en développement, elle coopère avec les autres organisations internationales et elle détermine la procédure à suivre pour devenir membre de l’OMC. Celle-ci a remplacé, à partir de 1995, le GATT, en tant qu’organisme chargé de superviser le système commercial.
ALENA (Accord de Libre-échange Nord-Américain). L’ALENA (en Anglais NAFTA : North American Free Trade Agreement) a été signé entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique en Janvier 1994. Cet accord vise à favoriser les échanges commerciaux et les investissements entre les trois pays. Il prévoit l’élimination de toutes les barrières tarifaires et non tarifaires entre les membres et l’harmonisation de leurs règles en matière de mobilité des capitaux, de services, de propriété intellectuelle et de concurrence. La particularité de l’ALENA est d’associer deux pays développés (le Canada et les Etats-Unis) à un pays émergent (le Mexique).
ASEAN (Association of South East Asian Nations). L’ASEAN (en français Association des Nations du Sud-est Asiatique), créée en 1967 à Bangkok, rassemble en 2006 les pays suivant : Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar (Birmanie), Philippines, Singapour, Thaïlande et Viêt Nam. L’objectif est de créer une zone de libre-échange et de favoriser l’entrée des capitaux étrangers.
MERCOSUR (Mercado Comûn del Sur). Le 26/03/1991, par le traité d’Asunción, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay décident de créer un marché commun, qualifié de marché commun du sud de l’Amérique. Le but est de réaliser l’intégration des quatre pays, à partir de la libre circulation des biens, des services et des facteurs de production, d’établir un tarif extérieur commun, d’adopter une politique commerciale commune et de coordonner les politiques macroéconomiques et sectorielles.
OCDE (Organisation de Coopération et Développement Economique). L’OCDE dont le siège est à Paris, est un organisme de conseil d’étude. Il rassemble des pays attachés à la démocratie et ayant opté pour un système d’économie de marché. L’OCDE publie des statistiques et des analyses sur la situation économique de ses 30 membres et, parfois, non membres. Elle fournit des évaluations des politiques économiques adoptées et des recommandations sur les politiques souhaitables.
L’Union Européenne (U.E) est née en 1950 avec six pays décidant alors de s’unir économiquement. Le traité de Rome de 1957 institutionnalise cette volonté en fixant des objectifs ambitieux : libre circulation des marchandises, des hommes et des capitaux à l’intérieur de l’Union, adoption d’une politique commerciale commune à l’égard du monde. L’acte unique de 1985-1986 relance la dynamique d’intégration, après les difficultés des années 1970. 27 pays forment l’UE en 2009. Les politiques commerciales et agricoles sont communes.

 Ces institutions loin de réduire la pauvreté, fonctionnent dans le sens de l’aggraver. Tous ces différents rapports mis en forme par elles, ne peuvent qu’être défavorables aux pays faibles du monde dans la mesure où, étant incapables d’objecter, ils subissent passivement la loi du plus fort. Par conséquent les Etats plus puissants  et riches deviennent de plus en plus forts et les Etats faibles et exploités deviennent de plus en plus pauvres. Partant de ce constat, nous pouvons nous permettre de dire que la croissance économique mondiale actuelle est loin d’améliorer la qualité de vie de tout homme. Cette croissance ne profite qu’à certains pays et à quelques puissants de cette planète.
Par ailleurs, l’Etat occupe une place non négligeable dans cette vague de mondialisation. Son rôle n’est pas à ignorer lorsqu’il s’agit de parler des acteurs de ce phénomène. Il est vrai qu’avec ce processus de mondialisation, l’Etat-nation voit ses prérogatives grignotées. En dépit de cela, l’Etat demeure un acteur principal de l’ouverture au monde, de par sa mission qui est, d’abord, celle  de défendre l’intégrité territoriale, ensuite, celle de définir et de mettre en œuvre une politique économique cohérente, enfin, celle de participer à la négociation et à l’établissement des règles qui régissent les différentes formes d’échanges internationaux.
I.3. Enjeux socio-économiques, politiques et environnementaux de la mondialisation
I.3.1. Enjeux socio-économiques
Le phénomène de la mondialisation a des répercussions positives et négatives sur l’ensemble de la vie humaine. Il ne laisse rien sur son passage. A en croire Amartya Sen, « à l’âge de la mondialisation, aucune culture n’échappe à la menace. Mais personne ne peut sérieusement y riposter en gelant le processus d’internationalisation du commerce et de l’économie : les échanges et la division du travail se déploient à l’échelle de la planète, une dynamique irrésistible, nourrie par les avancées technologiques à grande diffusion, aiguise la concurrence »[25]. Cette globalisation présente, par ailleurs, des enjeux socio-économiques sur lesquels il convient de nous atteler dans ce sous point. Nous allons procéder en deux temps. Les enjeux sociaux constitueront le contenu du premier temps alors que les enjeux économiques viendront en deuxième position.


I.3.1.1. Enjeux sociaux
Du point de vue social, la mondialisation accuse quelques insuffisances notamment :
·         L’accès à l’eau potable pour tous et la préservation de cette ressource essentielle nécessitent un investissement de 180 milliards de dollars par an, mais seulement 80 milliards sont disponibles[26]. Cette somme ne couvre pas le besoin en eau potable des plus démunis qui ne sont pas à même de payer le prix du marché ;
·         Education : « l’accès à l’éducation reste également très inégalitaire puisque, parmi le 20% de la population mondiale de plus de 15 ans qui sont analphabètes, la presque totalité (98%) vit dans les pays en développement. De plus on observe que cette population est, pour les deux tiers, féminine [27]
·         Scolarisation : « l’absence de scolarisation est étroitement liée au fait que les enfants sont très tôt mis au travail. Selon l’OIT et l’Unicef, 250 millions d’enfants dans le monde, âgés de 5 à 14 ans, soit 1 enfant sur 4 travaille. La proportion atteint 4 sur 10 en Afrique[28] » ;
·         La globalisation de l’économie de marché après 1945 maintient, certes, une paix entre les grandes puissances de ce monde, ou du moins les puissances occidentales, mais aboutit dans le même temps à la marchandisation des sociétés humaines conjuguée à l’explosion des inégalités, l’homme lui-même devenant une marchandise ;
·         Avec la globalisation, le monde devient un village, une société unique et intégrée, fondée sur des modes de vie sociaux et culturels standardisés. Ainsi le monde tend vers une culture universelle qui nierait la spécificité de chaque pays et par conséquent violerait le droit de jouir de sa propre culture ;
·         Alors que les entreprises privées et les organisations intergouvernementales, internationales ou régionales s’imposent dans la gestion des affaires, on voit se dessiner le risque que prévalent les considérations économiques et financières sur les questions fondamentales d’ordre social, sanitaire ou environnemental. En d’autres termes, les considérations économiques prennent le pas sur les considérations politiques et sociales ;
·         L’implantation des entreprises multinationales, minières ou agricoles ne va pas sans la délocalisation des peuples indigènes. Ceux-ci sont déplacés de leurs terres pour laisser aux firmes l’occasion de les exploiter. D’où l’appauvrissement de ces peuples.
Remarquons ici que, dans son approche par les « capabilités », Amartya Sen soutient l’idée selon laquelle l’ouverture , seulement, des marchés nationaux aux échanges économiques ne suffit par pour garantir un développement épanouissant ; encore faut-il voir dans quelle mesure ces échanges contribuent à l’amélioration du social. A lui en : « l’ouverture des marchés nationaux aux échanges économiques ne suffit pas à expliquer le rythme soutenu du développement. Celui-ci tient aussi à d’autres préconditions sociales : réforme foncière, généralisation de l’éducation, amélioration du système de santé. Dans ce cas précis, personne ne remet sérieusement en doute l’enchaînement causal : ce sont bien les réformes sociales qui ont produit des conséquences économiques favorables et non le contraire. Le marché prospère sur les fondations du développement social. Quand cette strate est fragile, (…), la dynamique du développement économique est singulièrement anémiée ».[29]
I.3.1.2. Enjeux économiques
Du point de vue économique, on peut remarquer une évolution progressive et un développement sans précédent des marchés financiers. Le Rapport du module environnement en fait échos. Il est noté dans celui-ci que  « les volumes et la diversité des instruments ont connu une forte croissance sur des marchés internationaux[30] ». Ce rapport soutient  qu’il n’y a aucun autre domaine où la mondialisation a autant progressé comme dans le secteur financier. S’il en est ainsi, la question de savoir d’où provient la mondialisation de l’économie se pose. Bernard Guillochon  y répond en ces termes : « la mondialisation de l’économie provient des comportements des producteurs qui recherchent les meilleures conditions de valorisation de leur capital, ce qui peut les conduire à trouver des débouchés sur le marché mondial et à utiliser les biens étrangers et/ou la main-d’œuvre étrangère[31] ».  Cette  mondialisation de l’économie présente quelques défis à savoir :
·         L’ouverture et le travail non qualifié du Nord : le progrès technique constitue une source de sous-emploi dans la mesure où les machines remplacent les hommes ;
·         Une guerre mondiale financière dont les champs de bataille se trouvent dans des salles de marché. En effet, ne recourant plus aux armes de destruction massive, les puissances mondiales essaient de lutter contre la crise financière en donnant l’illusion de gérer leurs intérêts que leurs difficultés réelles selon un modèle de gouvernance économique et financière qui n’intègre que leurs semblables. C’est le cas des critères économiques pour appartenir au G8 et au G20. Cette attitude accentue les inégalités entre les sociétés humaines, et surtout celles entre le Nord et le Sud ;
·         Une croissance exponentielle des inégalités des revenus entre les salariés, les actionnaires, les dirigeants, les fournisseurs bien dans les petites entreprises que dans les multinationales ;
·         Avec la libéralisation des échanges, on assiste au phénomène de la délocalisation. En effet, les multinationales délocalisent leurs activités dans les pays qui leur offrent de meilleurs avantages comparatifs. Cela signifie, pratiquement, des salaires plus bas pour les travailleurs, droit du travail moins strict, des conditions de travail plus flexibles, un droit environnemental inexistant ou non appliqué, des impôts réduits et des charges sociales allégées. Cela signifie également l’absence d’assurance chômage, de sécurité sociale, etc. Ainsi, non seulement les droits de l’homme, dans ces circonstances, sont les premières victimes de ces pratiques, mais aussi et surtout, les droits économiques et sociaux des travailleurs dans les pays d’accueil. Ces derniers sont confrontés à des conditions sociales et économiques difficiles et ont besoin de faire recours aux investissements étrangers pour réactiver leurs économies déjà fragilisées ;
·         Beaucoup de gouvernements et parlements, surtout des pays pauvres, s’endettent. Cet endettement, quelque fois élevé, limite considérablement leurs possibilités d’action politique ;
·         Les crises des pays endettés ou les crises monétaires internationales entraînent  des coûts économiques et sociaux élevés pour certains pays et leurs habitants. D’où l’on peut assister à la réduction à néant des progrès de développement accomplis au prix d’un dur labeur, par la spéculation.
I.3.2. Enjeux politiques
Le phénomène de la mondialisation fait croître, dans la conjoncture actuelle, l’interdépendance entre les Etats. Ainsi, toute action que peut mener un gouvernement quelconque peut avoir des répercussions sur les autres Etats du monde ; d’où l’importance de créer les institutions régulatrices efficaces, aussi bien au niveau national qu’international, avec pour objectif de contrôler ces interactions. Cette gouvernance mondiale peut, cependant, avoir des fâcheuses conséquences si elle n’est pas bien orchestrée.
En plus, la réduction de la souveraineté de l’Etat peut être constatée. Avec la mondialisation, les gouvernements perdent de plus en plus la maîtrise des décisions clés qui touchent leur économie et par conséquent, le bien-être de leurs populations. Par contre, les compagnies multinationales les plus puissantes, les structures intergouvernementales et les institutions financières privées possèdent une influence croissante et tendent à remplacer des gouvernements.  De là, on peut comprendre pourquoi la souveraineté des Etats diminue fortement. Ainsi  les rôles traditionnels sont à redéfinir.
Au surplus, les gouvernements, les institutions et les autorités bancaires nationales se voient petit à petit perdre leur mission traditionnelle qui est celle de décider de l’avenir de leurs pays et de leurs peuples. En effet, tandis que les actions et les décisions de ces institutions sont contrôlées, puisque issues de la volonté générale, celles des entreprises multinationales ou des institutions internationales ou régionales ne le sont pas. Par exemple, s’agissant de violations de droits de l’homme, il est presque impossible d’engager leur responsabilité et de contrôler leurs initiatives. En outre, le manque de transparence des mécanismes de prise de décisions peut être remis en question dans beaucoup de ces instances internationales. C’est le cas, par exemple, de l’OMC où les décisions se prennent à huis-clos après des processus complexes de négociations informelles ou formelles.
S’agissant de la démocratie, par exemple, Amartya Sen souligne le fait que le débat sur celle-ci se trouve, en nos jours, intimement lié au problème de la culture qui s’exacerbe de plus en plus. « Il s’agit de l’écrasante hégémonie de la culture et des modes de vie occidentaux qui sapent les mœurs et les coutumes traditionnelles. Quiconque prête la moindre attention à la valeur des traditions et à la diversité des cultures est à même de saisir cette menace sérieuse ».[32]
I.3.3. Enjeux environnementaux
La cause de la dégradation de l’environnement est souvent attribuée au phénomène de la mondialisation. Entendue comme internationalisation des échanges, la mondialisation présente deux impacts environnementaux qu’il convient de souligner. Il s’agit d’une part, du phénomène de « dumping » environnementale qui correspond aux déplacements des industries les plus polluantes vers des pays aux normes environnementales plus souples, sinon inexistantes. Ce déplacement pourrait avoir des graves conséquences pour l’environnement de ces pays ; et d’autre part, de l’ouverture économique entraînée par la forte croissance générée par la mondialisation. Cette ouverture implique une intensification des productions des usines les plus polluantes, et par conséquent le rejet des matières  polluantes plus massives[33]. Hubert Reeves fait sien le problème de souillure de la planète. A l’en croire, « cette réalité de la souillure de la planète est particulièrement présente, ces temps-ci, devant les images des plages couvertes de pétrole visqueux et d’oiseaux englués, provoqué par l’interminable succession de naufrages de bateaux pourris. Comme les nettoyeurs des plages avec leurs pelles, nous sommes en effet confrontés à l’échelle de la planète à une tâche véritablement titanesque. Tout au long du XXe siècle, l’homme a accumulé une quantité d’ordures d’une dangerosité infiniment supérieure à celles qu’il avait générées au cours de son histoire multimillénaire »[34].   
A part ces ordures, Hubert Reeves souligne l’effet négatif des armes sur l’environnement. A ce sujet  il écrit : « à part toutes les pollutions déjà évoquées, déchets industriels, agricoles et ménagers, (…) il faut ajouter les stocks d’armes terriblement destructrices qui se sont accumulées, surtout pendant la Seconde Guerre Mondiale »[35]. Pour lui, «  les stocks d’armes sont une source importante de pollution et un énorme danger potentiel, même lorsqu’on n’entend plus les utiliser. Prenons l’exemple des mines antipersonnel. Les premières mines, qui étaient véritables bombes enterrées, ont été utilisées par l’Angleterre au XVè siècle à la bataille d’Azincourt (1415), puis de façon plus systématique au XXè siècle au cours de la guerre civile américaine. Lors de la Seconde Guerre mondiale, plus de trois cents millions de mines antichars furent déployées par les belligérants. Mais ces mines avaient l’inconvénient d’être facilement transportables et réutilisables par l’ennemi. Pour éviter que les hommes ne viennent les déplacer, on fabriqua de petites mines antipersonnel que l’on déploya autour des mines antichars. Par la suite, leur fonction militaire a été détournée pour les utiliser contre les populations civiles. Comme elles sont bien camouflées et restent actives pendant plus de soixante-quinze ans, elles continuent, même en temps de paix, à mutiler et à tuer des civiles. On a calculé qu’à travers le monde les mines antipersonnel font une victime toutes les vingt minutes ! Il en aurait cent dix millions déployées dans plus de soixante-dix pays»[36].  Dieu seul sait combien de mines antipersonnel ont été déployées dans l’Est de la RDC où les guerres répétitives ont élu domicile ces dernières décennies ! « Outre les conséquences dramatiques pour les humains, les mines constituent un désastre économique et écologique. Quand les contenants se détériorent, des substances hautement toxiques se répandent dans le sol, polluant les campagnes sur d’immenses surfaces »[37]. S’il en est ainsi, pourquoi continuer à en fabriquer au lieu de déminer les régions qui ont déjà été infectées ? l’esprit du capitalisme égoïste motive les industries qui fabriquent ces mines antipersonnel. Hubert Reeves en donne des raisons en ces termes : « une petite mine antipersonnel coûte en moyenne 3 dollars à fabriquer, entre 300 et 1000 dollars à repérer, à extraire et à détruire. Quant aux prothèses artificielles dont il faut équiper les dizaines de milliers de survivants, elles coûtent entre 100 et 3000 dollars et doivent être remplacées tous les cinq ans pour un adulte et tous les six mois pour un enfant ».[38]
Par ailleurs, deux enjeux majeurs sur le plan environnemental méritent une attention particulière.
·         Le réchauffement du climat se trouve être le principal enjeu environnemental du XXIème siècle. La question de l’émission de gaz toxique est liée au réchauffement du climat dont les conséquences constituent une menace grave à l’équilibre du globe. Les émissions de gaz dues aux transports, aux activités industrielles et ménagères (CO2, méthane, oxydes d’azote) présentent un risque, d’après les scientifiques, d’un réchauffement  de la terre de plusieurs degrés durant le XXIème siècle. On assiste déjà à des signes avant coureurs à cette catastrophe comme les inondations, les sécheresses, les tempêtes que connaissent les régions situées sur les littoraux. Pour tenter de palier ce problème, il a été organisé des sommets en ce sens. En 1992 est organisé le Sommet de la Terre. Autrement appelé La convention de Rio, ce sommet s’est fixé pour objectif de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Le protocole de Kyoto, signé en 1997, vise la réduction collective des gaz à effet de serre de 5,2% par rapport aux niveaux précédents,  surtout celui de 1990, avant 2012. Selon les dispositions de ce protocole, les Etats-Unis devraient réduire leurs émissions de 26% par rapport aux prévisions d’alors pour 2010, l’Union Européenne de 15% et le Japon de 12%[39]. Une autre conférence s’est tenue à La Haye et avait pour objectif de parvenir à un accord sur les moyens acceptables de réduction des émissions, et en particulier sur les plus controversés d’entre eux : les permis d’émission dénoncés le plus souvent comme « un droit à polluer ».
·         Désertification et biodiversité : le problème de la désertification est lié au réchauffement du climat et aux activités de déforestation et de surpâturage. D’orès et déjà, on assiste à la progression de la désertification des terres arables en Afrique noire. En effet, l’épuisement des terres suscite de nouveaux déboisements et l’abondance de troupeaux finissent par assécher les points d’eau, donc les sols.
La mondialisation n’accuse pas que des effets négatifs. Elle a aussi des effets positifs qu’il convient de souligner.
Primo, avec ce phénomène la citoyenneté est redéfinie. Une nouvelle dimension de la citoyenneté émerge. Il s’agit de la citoyenneté mondiale. Cette nouvelle citoyenneté allie le concept traditionnel de citoyenneté à l’exercice des droits politiques et  juridiques ou à des obligations comme le vote. En effet, être un citoyen mondial aujourd’hui exige d’être davantage critique  des produits consommés et des conditions de leur production, d’être plus conscient des questions mondiales comme la pauvreté, qui accable le monde, les problèmes environnementaux ou la violence.
Secundo, nous assistons à la croissance sans précédent de la mobilité et à l’accélération des communications. En effet, en dépit du fossé technologique qui se creuse entre les nantis et les démunis, l’une des conséquences positives de l’ouverture des frontières et du développement d’Internet et d’autres technologies. Il est devenu de plus en plus facile de voyager d’un pays à l’autre ou de communiquer à travers le monde. La mondialisation nous offre, donc, une occasion de partager et d’apprendre les uns des autres les cultures, en acquérant davantage la tolérance et le respect.
Tertio, l’ouverture graduelle des frontières  facilite le développement et la mise en œuvre des systèmes juridiques transnationaux et régionaux pour la protection des droits de l’homme et la réparation de leurs violations.
Il serait trop prétendre de vouloir tout dire sur le phénomène de la mondialisation, étant donné que ce phénomène continue sa course. Il progresse du fait des voyages, du commerce, des multiples migrations, de l’expansion des cultures, de la propagation du savoir et des découvertes. La mondialisation, bien qu’elle ne profite qu’à une poignée d’habitants, rend riche la planète du point de vue scientifique, culturel et économique. D’ailleurs, en réagissant contre le mouvement antimondialiste, Amartya Sen donne dix arguments pour défendre la cause de la mondialisation. Il s’agit de :
 « 1. Les manifestations contre la mondialisation ne sont pas dirigées contre la mondialisation. Leurs participants, dans l’ensemble, peuvent difficilement s’opposer au système quand leur contestation compte parmi les événements les plus mondialisés du monde contemporain. Les protestataires de Seattle, Melbourne, Prague, du Québec et d’ailleurs ne sont pas des gosses du coin, mais des hommes et des femmes venus de la terre entière, qui investissent ces divers lieux pour y exposer des griefs d’ordre mondial ;
2. La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau pas plus qu’elle n’est une simple occidentalisation. Pendant des milliers d’années, la mondialisation a progressé du fait des voyages, du commerce, des migrations, de l’expansion des cultures, de la propagation du savoir et des découvertes (y compris dans la science et la technologie). Les influences ont joué dans diverses directions. Ainsi, vers la fin du millénaire qui vient de s’achever, le mouvement s’est en grande partie opéré à partir de l’Occident, mais à ses débuts (aux environs de l’an 1000), l’Europe s’imprégnait de la science et de la technologie chinoise, des mathématiques indiennes et arabes. Il existe un héritage mondial de l’interaction, et les mouvements contemporains s’inscrivent dans cette histoire ;
3. La mondialisation n’est pas en soi une folie. Elle a enrichi la planète du point de vue scientifique et culturel, profité à beaucoup sur le plan économique aussi. Il y a quelques siècles à peine, la pauvreté et une vie ‘’misérable, bestiale et brève’’, comme l’écrivait Thomas Hobbes, dominaient le monde, à l’exception de rares poches d’abondance. En maîtrisant cette pénurie, la technologie moderne de même que les échanges économiques ont eu leur importance. Les situations précaires ne peuvent s’inverser si les plus démunis sont privés des bienfaits considérables de la technologie contemporaine, de la solide efficacité du commerce et des échanges internationaux enfin des avantages sociaux autant qu’économiques à vivre dans une répartition plus équitable des fruits de la mondialisation ;
4. Directement ou indirectement, la question essentielle est celle des inégalités. La principale provocation, d’une manière ou d’une autre, leur est imputable, inégalités entre les nations de même qu’en leur sein. Au nombre de ces inégalités, les disparités de richesses, mais également les énormes déséquilibres dans le pouvoir politique, économique et social. Un des problèmes cruciaux est celui du partage des bénéfices potentiels de la mondialisation, entre pays riches et pauvres, mais aussi entre les divers groupes humains à l’intérieur des nations ;
5. La préoccupation majeure est le niveau d’ensemble des inégalités, et non pas leur changement marginal. En affirmant que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent, les opposants à la mondialisation ne livrent pas, le plus souvent, le bon combat. Car même si beaucoup des pauvres de l’économie mondiale s’en sortent mal (pour toutes sortes de raisons, parmi lesquelles l’organisation intérieure autant qu’internationale), il est difficile de dégager avec netteté une tendance générale. Beaucoup dépend des indicateurs choisis et des variables par rapport auxquelles les inégalités et la pauvreté sont jugées. Mais ce débat ne doit pas être une condition préalable au traitement de la question centrale. La préoccupation première est celle du niveau d’ensemble des inégalités et de la pauvreté, et non le fait qu’elles augmentent ou non à la marge aussi.
Même si les défenseurs de l’ordre économique contemporain avaient raison de prétendre que la situation des déshérités s’est, d’une manière générale, un peu améliorée (ce n’est, de fait, en aucun cas un phénomène uniforme), la nécessité logique de porter une immédiate et entière attention à l’effroyable pauvreté et aux inégalités consternantes n’en existerait pas moins ;
           6. La question ne se résume pas à savoir s’il y a profit pour tous les intéressés, mais si la répartition de ce profit est équitable. Lorsqu’il existe des avantages à coopérer, toutes sortes d’aménagements sont possibles qui bénéficient à chacune des parties, comparés à une coopération inexistante. Il faut donc se demander si la répartition des profits est juste ou acceptable, et non uniquement s’il y a profit pour tous les intéressés (ce qui peut être le cas dans un très grand nombre d’aménagement).
Comme le mathématicien et théoricien du jeu, J.F. Nash, en débattait il y a plus d’un demi-siècle (…) en présence de profits issus d’une coopération, la question essentielle n’est pas de savoir si tel ou tel résultat commun est pour tous préférable à une absence de coopération(…) mais s’il engendre une équitable répartition des bénéfices.
Pour prendre une comparaison, si l’on veut faire la preuve qu’une organisation de la famille particulièrement inégale et sexiste est injuste, il n’est pas nécessaire de montrer que la condition des femmes aurait été meilleure hors de  la famille, mais simplement que la répartition des bienfaits du système est gravement inégalitaire et inéquitable dans la situation actuelle ;
7. L’économie de marché est comparable avec un grand nombre de situations institutionnelles différentes, pouvant déboucher sur des issues différentes. La question essentielle ne peut pas être celle de savoir si l’on doit pratiquer ou non l’économie de marché. Une économie prospère est impossible sans son application à grande échelle. Mais cette idée ne clôt pas le débat, elle ne fait que l’entamer.
L’économie de marché peut donner des résultats très variables, selon la manière dont sont répartis les moyens matériels et exploitées les ressources humaines, selon les règles du jeu qui prévalent, etc. Or dans tous les domaines, l’Etat et la société ont un rôle à jouer, à l’intérieur des pays comme dans le monde. Le marché est une institution parmi d’autres. Hormis la nécessité de définir au sein d’une économie une politique nationale en faveur des pauvres (enseignement élémentaire et soins de santé, création d’emplois, réformes agraires, facilités de crédit, protection légale, émancipation des femmes, et autres), la répartition des bénéfices des échanges internationaux dépend aussi des divers aménagements sur le plan mondial (accords commerciaux, législation des brevets, initiatives médicales, échanges dans l’enseignement, encouragement à la circulation de la technologie, politiques écologiques et de l’environnement, etc.) ;
8. Le monde a changé depuis les accords de Bretton Woods. L’organisation politique, financière et économique au niveau international que nous avons héritée du passé (dont la Banque mondiale, le FMI et autres institutions) s’est en grande partie construite dans les années 1940, à la suite de la conférence de Bretton Woods de 1940. L’essentiel de l’Asie et de l’Afrique se trouvait alors toujours sous domination impérialiste ; la tolérance à l’insécurité et à la pauvreté était beaucoup plus grande ; la défense  des droits de l’homme encore très fragile ; le pouvoir des Organisations non gouvernementales inexistant ; l’environnement jugé comme n’étant pas spécialement important ; et la démocratie absolument pas considérée comme un droit international ;
9. Des changements à la fois politiques et institutionnels sont nécessaires. Les institutions internationales existantes ont, à des degrés divers, tenté de répondre à une situation devenue différente. La Banque mondiale a, par exemple, révisé ses priorités sous la conduite de James Wolfensohn. Les Nations Unies, notamment avec Kofi Annan, ont cherché à jouer un plus grand rôle en dépit des restrictions financières. Mais d’autres changements sont indispensables. En réalité, la structure du pouvoir qui sous-tend l’organisation des institutions doit elle aussi, être réexaminée par rapport à la réalité politique nouvelle, dont la montée de la contestation antimondialiste n’est qu’une lointaine expression.
L’équilibre du pouvoir, reflet de la situation des années 1940, est aussi à repenser. Considérons le problème des années des conflits, des guerres locales et des dépenses d’armement. Les gouvernements des pays du Tiers-monde portant une lourde responsabilité dans la poursuite immodérée de la violence et du gaspillage, mais le commerce des armes est également encouragé par les puissances mondiales, qui sont le plus souvent à l’origine de ces exportations. De fait, comme le montrait le rapport sur le développement humain du PNUD de 1994, non seulement les cinq grands pays exportateurs d’armes étaient précisément les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, mais ensemble ils représentaient aussi 86% de toutes les exportations d’armes conventionnelles durant la période étudiée.
Il est facile d’expliquer l’impuissance des pouvoirs en place à efficacement venir à bout de ces marchands de mort. Les récentes difficultés à trouver ne serait-ce qu’un soutien pour prendre conjointement des mesures sévères contre les armes illicites (…) n’est qu’un tout petit exemple de l’immense obstacle mis à l’équilibre mondial du pouvoir ;
10. Construire la mondialisation est la réponse indispensable aux doutes sur la mondialisation. Les manifestations hostiles font elles-mêmes partie du processus global pour lequel il n’y a pas d’échappatoire, et guère de motifs d’en chercher. Mais si l’on a raison de soutenir la mondialisation dans ce qu’elle a de meilleur, il est des questions politiques et institutionnelles extrêmement  importantes auxquelles il faut aussi s’atteler dans le même temps. Il n’est pas aisé de dissiper les doutes si l’on ne s’en prend pas sérieusement aux préoccupations qui les motivent en profondeur. Cela, dans tous les cas, n’a rien pour surprendre. »[40]
Le phénomène de la mondialisation accentue, par ailleurs, davantage la polarisation du monde entre les pays pauvres et les pays riches. Ainsi les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les riches toujours plus riches. Fondés  sur des critères purement économique, les acteurs de  ce phénomène accordent moins d’attention à la situation sociale de l’homme. D’où la nécessité d’établir une véritable coopération internationale et de définir des normes communes entre les différents acteurs.
En plus, le progrès économique que procure ce phénomène, bien qu’opéré par l’homme, ne concoure pas nécessairement à son épanouissement.  L’homme ne vit pas selon ce qu’il désire mais selon les critères qui lui sont imposés par les plus puissants qui dominent économiquement la scène mondiale. D’ailleurs, un dicton populaire dit que la main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne ! En d’autres termes, loin d’améliorer les conditions de vie de tout homme, la croissance économique que connaît le monde actuel dégrade la qualité de vie des personnes. Bref, il est question du développement par l’homme et non pour l’homme !
Amartya Sen, dans son approche par les « capabilités », voit le développement en termes d’un nouveau visage humain, visage que les philosophes libéraux ont altéré. Il s’agit du développement humain qui augmente les libertés de personnes comme moyen et fin de celui-ci. Ce type de développement  vise le bien-être de toute personne. Il élargit les choix et les possibilités de toute personne de mener  une vie conforme à ses attentes. C’est un développement qui, politiquement, vise l’autonomisation, la durabilité, l’équité et la productivité. C’est sur ce type de développement conçu comme épanouissement que va s’atteler notre réflexion dans le chapitre suivant en analysant l’approche par les « capabilités » d’Amartya Sen. A travers ce deuxième chapitre nous tenterons de répondre à la préoccupation de l‘établissement des conditions de possibilités de l’amélioration de la qualité de vie de tout homme.


















DEUXIÈME CHAPITRE : DE L’ « APPROCHE PAR LES CAPABILITÉS »
Le chapitre précédent s’est focalisé sur l’analyse du phénomène de la mondialisation. Bien que facteur de la croissance économique sur le plan mondial, ce processus d’internationalisation du commerce et de l’économie ne garantit pas effectivement le développement humain. D’où la nécessité de lui ajouter un élément  essentiel à savoir la liberté. L’approche par les « capabilités » répond à cette préoccupation. A travers elle, Amartya Sen entend envisager un espace d’évaluation dans lequel le bien-être individuel n’est plus mesuré par l’utilité mais par la capacité et la possibilité qu’ont les personnes de choisir le type de vie qu’elles souhaitent mener.
Trois points vont scander notre réflexion pour ce chapitre. Le premier se focalisera sur les facteurs du sous-développement. Le deuxième se cantonnera sur l’idée du développement compris comme expansion des libertés substantielles. Le troisième, enfin, se recentrera autour la question de l’évaluation du bien-être individuel.
II.1. Des facteurs du sous-développement
Parler de facteurs de sous-développement suppose au préalable la compréhension du concept de  développement. En effet, ce dernier prête à une multitude de sens. « Bon nombre d’auteurs le comprennent comme un niveau de vie stable conséquent à une grande production des biens matériels due à une forte industrialisation »[41]. Ainsi comprise, la notion du développement se trouve liée à celle du progrès entendu comme expansion économique et technologique. Cette acception du développement réduit l’homme à son unique aspect matériel, son avoir.
D’autres penseurs, comme Lalaye, entendent par développement une extension, un déploiement ou une croissance progressive d’un corps dans l’espace d’une réalité, de toute réalité allant ainsi d’un degré d’être donné à un autre degré ou niveau de réalisation ontologique. Cette conception pose l’urgence qu’impose le caractère inachevable du progrès humain qui se rattache à la science et à la technologie. En plus, elle révèle que le développement est plus qu’une notion économique et traduit d’autres aspects de l’accomplissement intégral de la personne humaine[42].
Amartya Sen pense quant à lui que définir le développement comme croissance du produit national brut (PNB),  augmentation des revenus, l’industrialisation et le progrès technologique ou encore comme modernisation sociale réduit le sens de celui-ci. Car la croissance du PNB ou des revenus ne constitue pas le seul moyen d’étendre les libertés dont jouissent les membres d’une société. Encore faut-il y ajouter les dispositions économiques ou sociales, les libertés politiques et civiques. La liberté humaine, pour lui, peut également être étendue par l’industrialisation, le progrès technique ou les avancés sociales. Ainsi, dans son approche par les « capabilités », il appréhende le développement « comme un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus »[43]. Bref, le développement est compris, dans cette approche, comme liberté.
Le processus d’expansion des libertés se trouve parfois entravé ou bute à des problèmes de différents genres. Ces obstacles constituent des privations de la liberté que l’auteur nomme le déni des libertés qui sont à la base de la misère dans le monde. Ils prennent leurs racines dans la pauvreté économique qui « frustre les individus de la liberté d’échapper à la faim et à la malnutrition, de se procurer les remèdes existant pour se soigner, de se vêtir ou de se loger décemment, d’accéder à l’eau potable ou aux installations sanitaires »[44]. Puisqu’il en est ainsi, le besoin de lutter contre ce déni de liberté s’avère d’une importance capitale. « Le développement exige la suppression des principaux facteurs qui s’opposent aux libertés : la pauvreté aussi bien que la tyrannie, l’absence d’opportunités économiques comme les conditions sociales précaires, l’inexistence de services publics autant que l’intolérance ou la répression systématique exercée par les Etats autoritaires »[45]. Déni de liberté peut également signifier facteur de sous-développement. D’où la nécessité d’en faire l’analyse dans les lignes qui suivent.


II.1.1. Facteurs lointains
Il s’agit des facteurs liés à la colonisation. Remarquons, de prime abord, que le problème de sous-développement porte une importante charge émotionnelle touchant à la fois aux modèles politiques, à des questions historiques sensibles et aux susceptibilités nationales telles que la question de la souveraineté nationale et celle de l’adéquation des traditions et mentalités.[46]
Du point de vue de la colonisation, il existe d’une part, les pays colonisateurs et colonisés avant la première révolution industrielle, d’autre part, des pays colonisés entre la révolution industrielle et la veille de la seconde Guerre mondiale. Le phénomène de la colonisation est à la base de la répartition géographique des pays développés et en développement. Avec l’invention de la machine à vapeur, le coût du transport a baissé, favorisant ainsi l’importation des matières premières en métropole pour créer des ateliers. De ce fait, le développement du marché intérieur des pays colonisateurs a profité d’une main d’œuvre colonisée à très bas coût. A partir de ce moment, il y a eu coupure de diffusion de la technologie vers les pays colonisés. Il n’y a pas eu donc, d’un côté, transfert de technologie par les pays colonisateurs et, de l’autre, les pays colonisés ne sont pas approprié celle-ci.
En plus, le sous-développement de certains pays peut s’expliquer par une orientation industrielle et agricole inadaptée[47]. En effet, à partir de la révolution industrielle, la transformation de la matière s’est développée dans les pays colonisateurs, tandis que la production des pays colonisés a été favorisée essentiellement dans le secteur primaire par l’octroi de marché réserve chez les colonisateurs. Or, l’exploitation des matières premières, si elle est une source de revenus pour le pays, peut paradoxalement concourir à son appauvrissement si elle n’est pas payée à un prix juste. Durant la colonisation, certains pays sont passés d’une agriculture traditionnelle à des cultures de rente, comme le coton, le café, le cacao ou l’arachide. D’une part cela a mis en danger la sécurité alimentaire des pays colonisés ; d’autre part, les productions agricoles destinées à être vendues sur le marché mondial, sans sécurité des revenus en raison de la fluctuation des cours mondiaux, sont également source de vulnérabilité au niveau des productions et de l’Etat.
Au surplus, la colonisation semble avoir été indifférente à l’émergence de la démocratie. « D’une part le régime colonial, même pratiqué par une démocratie libérale,  n’a pas inculqué de valeurs démocratiques à ses habitants, et d’autre part il n’a que rarement favorisé l’éducation et l’apparition d’une élite intellectuelle capable de diriger »[48]. Dans certains cas, les puissances coloniales ont joué sur les dissensions interethniques ou interreligieuses pour assoir leur pouvoir. Elles se sont fondées sur le principe : « diviser pour bien régner ». Le cas de la colonisation de l’Inde par l’Angleterre en est ici une illustration. Cette colonisation a conduit à la séparation de l’Inde et du Pakistan après la décolonisation.[49] Fort est de constater que lorsqu’il y a décolonisation par une guerre des régimes autoritaires succèdent souvent, directement ou après une transition démocratique, au régime colonial. Lorsqu’elle se fait par accord, les pays sont découpés sans tenir compte des ethnies ni des traditions, donnant ainsi des pays aux frontières rectilignes sans unité culturelle, et aux ressources réparties d’une manière aléatoire.
Un autre facteur du sous-développement est l’explosion démographique. En effet, pendant qu’on assiste à l’amélioration des conditions de santé, notamment par de multiples vaccinations, certaines familles continuent à avoir autant d’enfants alors que le taux de mortalité baisse sensiblement. Cette attitude provoque une croissance démographique rapide qui, si elle se prolonge longtemps, peut contribuer à freiner le développement.
Le néocolonialisme, enfin, peut être source du sous-développement dans la mesure où les pays développés, membres de l’Organisation des Nations Unies, octroient des aides financières et militaires aux régimes dictatoriaux dans le but d’y garantir leur accès aux ressources minières et pétrolières. L’aide au développement des Etats est souvent davantage répartie selon des critères politiques que selon les considérations humaines.  Au néocolonialisme s’ajoute la Guerre froide, avec la constitution de « glacis stratégique », la création de bases militaires et des coups d’Etat soutenus par les deux grands blocs. Bref, certains pays colonisateurs gardent une main mise sur l’économie de leurs anciennes colonies. Ceux-là soutiennent des régimes dictatoriaux, aident les Etats suivant un critérium plus politico-économique qu’humain.

II.1.2. Facteurs internes
Ce sont des facteurs qui causent la dégradation de la qualité de la vie et des libertés individuelles à l’intérieur d’un Etat. Ces facteurs, pour Amartya Sen, constituent les formes du déni de liberté. Trois facteurs seront ici examinés : la mauvaise gouvernance, la corruption, l’atrophie du système judiciaire et des politiques économiques.
II.1.2.1. La mauvaise gouvernance
Par gouvernance, il faut entendre le moyen qu’utilise une organisation sociale pour conduire la population au bonheur, à la réalisation des projets. Elle permet à la politique d’atteindre sa finalité ultime notamment la justice, l’égalité et le bonheur. Ces trois éléments sont des conditions nécessaires pour la paix et le développement. Le concept « bonne gouvernance » et « mauvaise gouvernance » tient son origine aux Etats-Unis. C’est dans les années 1990 dans le discours de Bill Clinton en visite en Ouganda en 1998 que ce terme fut pour la première fois prononcé[50]. Il ressort des écrits du philosophe indien l’idée qui fait correspondre une mauvaise gouvernance à un système politique qui ne garantit pas les libertés substantielles. Il s’agit des régimes qui ne favorisent ou mieux encore, n’autorisent pas la participation directe ou indirecte de tous à la gestion de la  « res publica ».
En effet, le débat sur cette forme de gouvernance remonte dans les années 80, période pendant laquelle les critiques intérieures sur les causes du sous-développement ont connu leur essor dans le sillage du renouveau des idées économiques libérales. Cette critique s’appuyait sur l’action des régimes des pays en voie de développement, généralement inspirés par des exemples d’économie dirigée ou des régimes socialistes[51]. Une telle critique avait fait écho, avant cette période, à cause de la proximité avec la période de décolonisation : critiquer les erreurs politiques intérieures peut être assimilé à l’ingérence dans les affaires d’un pays souverain. Dans les années 70, une part du sous-développement est masquée par la flambée des prix des matières premières que  de pays sous-développés ont produit. En peu de mot, la mauvaise gouvernance est généralement la première cause du sous-développement d’un pays. Les symptômes sont :
·         Intérêts personnels privilégiés et fait de prince ;
·         Incompétence administrative ;
·         Administration tatillonne et bureaucratique ;
·         Développement de réseaux de corruption et détournement de l’argent public ;
·         Dépenses d’infrastructures délaissées au profit de dépenses de fonctionnement ou d’apparat ;
·         Mobilisation des ressources du pays dans la construction d’éléphants blancs ;
·         Mauvais choix stratégiques de développement et surendettement ;
·         Insécurité des investisseurs ;
·         Insécurité alimentaire ;
·         Maintien d’un analphabétisme élevé, qui limite le désir de révolte face à une administration incompétente.[52]
Tous ces symptômes conduisent à des formes multiples de déni de libertés à travers la famine, le chômage, l’accès limité à la santé, aux installations sanitaires et à l’eau potable, la discrimination sexuelle ou la restriction de libertés des femmes, le non-respect des libertés politiques et des droits civiques. A en croire le philosophe indien,
«La famine frappe encore certaines zones du globe, déniant à des millions de personnes le simple droit à la survie. Dans les pays qui ont jugulé ce fléau, poursuit-il, la malnutrition affecte toujours les couches les plus vulnérables. Une proportion encore plus importante de la population ne bénéficie que d’un accès limité à la santé, aux installations sanitaires et à l’eau potable ; elle connaît des conditions d’existence précaires, marquées, en particulier, par un taux de mortalité infantile élevé. Trop souvent, ajoute-t-il, dans les pays riches, malgré une couverture médicale et un système éducatif généralisés, les catégories les plus désavantagées passent entre les mailles du filet. Elles sont exclues du monde du travail et des formes minimales de sécurité économique ou sociale. On constate d’ailleurs que dans les pays les plus riches, l’espérance de vie de certains secteurs de la population s’aligne sur celle des pays pauvres du Tiers-Monde. Par ailleurs, des millions de femmes souffrent et parfois meurent du fait de discriminations sexuelles ou de restrictions de leurs libertés »[53].
Ce qui précède illustre l’idée selon laquelle les conséquences néfastes du phénomène de la mondialisation ne concernent pas uniquement les pays pauvres. Les pays riches en souffrent également d’une manière ou d’une autre en ce sens  qu’il existe plusieurs formes de privations chez-eux aussi.
Remarquons donc que les gouvernements engloutis dans la mauvaise gouvernance ne s’en reconnaissent pas acteurs. Ils s’estiment, par contre, bons gestionnaires de la chose publique. Aussi faut-il souligner que la mauvaise gouvernance est la cible des bailleurs internationaux tels que le FMI, la Banque mondiale, qui cherchent à imposer une conception néolibérale.
II.1.2.2. La corruption
La corruption est un facteur du sous-développement dans la mesure où il existe une forte corrélation entre le niveau de développement et le niveau de corruption. Selon « Transparency International »[54], la corruption peut être classée en trois groupes :
·         La corruption anecdotique. C’est le cas des pays développés où la corruption en vue d’obtenir un passe-droit reste anecdotique dans la vie économique; la récente crise des subprimes, le rôle croissant des paradis fiscaux, la forte dépendance des médias à l’égard de la publicité  et donc des groupes industriels et financiers qui les contrôlent souvent directement amènent à nuancer pour beaucoup d’observateurs cette idée reçue ;
·         La corruption pour obtenir un passe-droit. Dans beaucoup de pays en développement, un système de corruption, renchérissant les coûts de l’investissement, est mis en place en vue d’obtenir des passe-droits auprès d’administrations bureaucratiques et tatillonnes ;
·         La corruption pour obtenir un droit. Dans certains pays pas moins avancés, on observe un système poussé de corruption en vue d’obtenir n’importe quel droit (papier de l’administration, retrait postal, sortie de marchandises du port, soins à l’hôpital, etc.) Ce système pénalise les entreprises de la zone en renchérissant leurs coûts, ce qui dégrade leur compétitivité. Elles n’ont aucun moyen de la contourner et la corruption devient une sorte d’ « impôt » privatisé prélevé par les fonctionnaires pour leur compte. Les élites dirigeantes, bénéficiant en général de ce système, ne le combattent pas, voire l’encouragent parfois pour obtenir la paix sociale chez les fonctionnaires.
Amartya Sen propose aux pays en voie de développement de ne pas se limiter aux seules vertus de la prudence. Ils doivent également combattre la généralisation de la corruption, cultiver les valeurs fondamentales, telles que la confiance, et faire en sorte que la garantie de la parole donnée s’impose sans nécessité, sauf cas d’exception, de recourir aux sanctions légales s’ils veulent tirer le meilleur parti du mécanisme de marché et ainsi faciliter les échanges et les transactions.[55]
II.1.2.3. L’atrophie du système judiciaire[56]
L’état du système judiciaire est un point central du développement. En effet, l’investissement de capitaux étrangers dans un pays est fortement lié à la sécurité juridique de cet investissement. Les investisseurs ayant une aversion au risque privilégient toujours, à coût égal, le système juridique le plus fiable.
La présence d’un système judiciaire prémunit également contre le « fait du prince ». L’histoire de l’Afrique montre, en effet, que nombreuses sociétés du Nord qui avaient investi en ce continent se sont vu confisquer leurs investissements par des gouvernements africains sans pouvoir obtenir de justes réparations pour leurs préjudices devant le juge. L’exemple de France Télécom en Centrafrique ou au Gabon illustre ce propos. Ayant démontré aux investisseurs l’absence d’ « Etat de droit », ces Etats africains sont aujourd’hui boudés par les détenteurs  des capitaux dans les secteurs où la rentabilité ne compense pas le risque pris.
II.1.2.4. Les politiques économiques
Dans l’ «approche par les capabilités » Amartya Sen démontre que les régimes autoritaires ne favorisent pas la croissance économique. Il montre que le développement ne peut bénéficier plus d’un environnement économique ouvert que d’un système politique rigide. La sécurité économique, au fait, est une dimension du développement. Elle ne peut être assurée, selon le philosophe indien, que par un régime démocratique. Quel que soit le pays où l’on se trouve « la privation des droits démocratiques entrave les initiatives des individus jusque dans leur vie quotidienne et tient à l’écart des décisions importantes concernant la vie publique »[57]. L’absence de liberté et de droits économiques influe ainsi sur la sécurité économique. « Le libre fonctionnement de la démocratie, ajoute Sen, peut contribuer à évier les famines ou d’autres catastrophes économiques »[58]. Aussi poursuit-il que « dans la mesure où les classes dirigeantes ne sont guère affectées par la famine et les autres calamités, rien ne pousse les gouvernements autoritaires à se préoccuper de ces fléaux, en temps voulu. Dans les régimes démocratiques, à l’inverse, la survie politique dépend des revirements de l’opinion, et cela constitue, pour les élus, une forte incitation à mettre en œuvre des mesures préventives efficaces. »[59]
En un mot, pour Amartya Sen, seul le régime démocratique favorise le développement économique, car il inclut en son sein les conditions de possibilité de l’ouverture économique garantissant la sécurité économique. Le régime dictatorial, par contre, constitue une entrave au développement et par conséquent, devient facteur de sous-développement. Le fait que la famine  n’a affecté en aucun cas de pays en régime démocratique  dans l’Histoire illustre, d’après Amartya Sen, ce qui vient d’être mentionné précédemment. Et c’est le cas des régions développées aussi bien que celles relativement pauvres.


II.1.3. Facteurs culturels
La rencontre entre la mondialisation et des cultures traditionnelles ne va pas sans problèmes. La résistance de celles-ci contre celle-là peut entraîner un retard dans le progrès. Malheureusement, à l’époque de la mondialisation, aucune culture n’est laissée en marge. On assiste ainsi à un choc provoquant des frustrations. A en croire Amartya Sen, « la dissolution des modes de vie usuels est source d’angoisse et de frustrations. La perte est comparable à ce que peut représenter l’extinction d’une espèce animale, condamnée à laisser sa niche écologique à une variété concurrente, mieux adaptée, et cette ‘’amélioration’’, au sens darwinien, ne saurait d’aucune manière suffire à notre consolation »[60]
Il est ici question du rapport entre les cultures et le développement. Par culture nous entendons l’ensemble de religion, mentalités et structures sociales qui, dans le choix, ne font pas participer l’ensemble de ses membres. La donne est de savoir  en quelle mesure ces instances constituent un frein au processus du développement. En effet, le sous-développement de certaines régions du globe a longtemps été attribué par l’Occident à des causes culturelles. Cette approche établit un lien essentiel entre culture et développement. Fondée sur les idées du sociologue Max Weber (1864-1920 ; dans son ouvrage L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, paru entre 1904-1905) et de l’historien David Landes, ce courant de pensée attribue à la culture et aux mentalités européennes le développement économique tout en estimant que les autres cultures ne parviennent pas à un même résultat. Cette thèse est considérée comme le noyau de l’européocentrisme.[61]
Sous l’angle des traditions nul n’a besoin de constater la différence entre pays développés et pays en voie de développement. Pendant que les pays développés à forte productivité bénéficiant d’un niveau de vie élevé mettent en œuvre une sécurité sociale, les pays en développement appliquent la solidarité entre individus. Dans les pays développés la sécurité sociale est une forme d’entraide obligatoire en cas de maladie, d’accident ou pour la vieillesse. C’est une solidarité d’Etat. Dans les pays en développement, la solidarité est liée au bon sens. Ainsi l’intégration sociale constitue une nécessité rattachée à la survie. Dans ces sociétés les personnes âgées sont un modèle puisqu’ayant survécu. En tant que facteurs d’intégration au groupe et modèle à suivre, les traditions occupent une place centrale dans les pays en développement. Cependant, leur perpétuation peut entraîner l’immobilité de la société et par conséquent, le sous-développement à partir du moment où les mentalités s’adaptent difficilement à l’évolution de l’environnement économique et social du moment. Dans ce cas, un changement de mentalité ne pourra se faire à l’échelle d’une génération. Il en faudra donc plusieurs pour que l’adaptation des mentalités ait lieu.
Deux tendances partagent l’idée selon laquelle la mentalité d’un peuple peut freiner le développement de ce dernier. La première considère la mentalité globale d’une société traditionnelle comme frein au développement. Dans ses illustrations, Amarya Sen part de son pays l’Inde où la société est organisée traditionnellement en castes. A chacune d’elle correspond un niveau social et un type d’emploi traditionnel. Il est impensable, dans ce système, de changer de caste. Naître est une fatalité. Etre né dans une basse caste paie le prix de son mauvais comportement dans une vie antérieure. Une telle croyance freine la volonté d’amélioration des conditions de vie, de  se projeter vers un avenir meilleur. Ce modèle fatal et cyclique peut constituer un facteur de sous-développement.
La seconde tendance porte sur des éléments concrets des traditions sociales. Le cas de Grande Comore où existe une tradition du grand mariage, illustre bien cette tendance[62]. Dans ce pays, un homme doit organiser un grand mariage fastueux. Pour cela, il doit épargner une grande partie de ses revenus en vue de ce grand mariage. La même tradition veut que l’on ait une grande maison en dur. D’où la possibilité d’y assister fréquemment à des fondations en attente de toit, pendant que la famille vit dans des cases de tôle ou de bois avec des problèmes de salubrité et de maladies liées à l’amplitude thermique. Pour améliorer l’habitat, une des solutions serait de faire une petite pièce en entier conforme à l’argent dont on dispose. Et construire une autre pièce attenante lorsqu’on disposera de moyens suffisants. Mais hélas ! On se heurte au problème de mentalité.
Par ailleurs, les traditions de mutilation sexuelle de nombreuses  femmes dans certains pays (excision et infibulation), et d’une manière générale la condition de la femme dans de nombreuses sociétés ne favorisent pas l’épanouissement de la femme. Elles portent atteinte à l’intégrité physique de celle-ci.
La démographie peut, de son côté, freiner le processus de développement lorsqu’une forte natalité pose le problème de répartition des richesses. Cela peut induire un sentiment d’insécurité sociale. En effet, « en raison de la mortalité précoce et infantile, les familles des sociétés ‘’traditionnelles’’ ont de nombreux enfants. Par ailleurs, en raison d’absence d’un système d’assurance vieillesse, les enfants sont ceux qui vont permettre aux parents de survivre lorsqu’ils ne pourront plus eux-mêmes travailler. Le fort nombre de naissances est là pour compenser la forte mortalité ; c’est ce que certains nomment ‘’l’équilibre de la misère’’ »[63]. Au fait, l’amélioration des conditions de santé et celle de la femme est à la base de la baisse de la natalité dans les pays développés. Par contre, cette amélioration sanitaire, loin de favoriser la baisse de natalité dans les pays en développement implique un taux de croissance démographique rapide. Celle-ci maintient ces pays dans un sous-développement.
La dette[64]. Beaucoup de pays en développement s’endettent auprès des institutions internationales, notamment la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) et les Fonds monétaire international (FMI). Ces institutions sont nées des accords de Bretton Woods après la Seconde Guerre Mondiale. Financés par les pays développés, elles accordent des prêts aux pays en développement. Ces prêts posent, cependant, trois problèmes majeurs pour les pays bénéficiaires. Le premier est celui de leur utilisation. Dans certains cas, en effet, les actions menées avec cet argent n’ont pas souvent d’efficacité en termes de développement humain. Il sert à financer du matériel et des travaux vendus et effectués par les pays développés, donc aux seules subventions des pays développés à leurs propres entreprises. Le deuxième est celui des conditions des prêts. La Bird et les FMI exigent souvent des réformes économiques de la part des emprunteurs, pour garantir la solvabilité, sans prendre en compte les répercussions sociales de ces réformes. Le troisième problème concerne la constitution d’une dette. Les pays endettés ne travaillent que pour rembourser des intérêts cumulés colossaux. Une partie importante de leurs revenus ne sert qu’à cette fin. Ceci fait trainer ces pays dans la situation de dépendance.
La guerre, par ailleurs, constitue l’un de plus grands facteurs du sous-développement. Non seulement elle freine le développement économique d’un Etat, mais aussi et surtout, traumatise le peuple, le meurtrit voire viole son intégrité morale et physique. Parmi tant de pays où la guerre cause ou a causé des dommages irréparables nous pouvons citer la République Démocratique du Congo.
En effet,  les immenses richesses en matières premières de ce‘’scandale géologique’’  devraient entre autres, lui permettre de sortir du sous-développement économique. Malheureusement l’insécurité civile y a élu domicile, notamment à l’Est dans la région du lac Kivu, en dépit de la présence d’une force des Nations unies, la MONUSCO.
Ce qui précède prouve le fait que le phénomène de la mondialisation, dont la guerre est l’un de facteur d’expansion, loin de concourir à l’amélioration de la qualité de vie de tout être humain, où qu’il se trouve, contribue, en quelques circonstances, à la dégradation du niveau de vie de la personne. D’où il est impérieux de passer au crible de l’éthique les méthodes qu’utilise ce phénomène dévastateur et destructeur de l’homme.
Parlant de la culture et des traditions comme facteurs du sous-développement Amartya Sen fonde son analyse sur deux points de vue. Le premier soutient que le développement économique conduit à l’élimination des traditions et de l’héritage culturel. Pour lui, cette conception du développement économique est dangereuse. Ceux qui la soutiennent pensent qu’il vaut mieux être riche et satisfait que pauvre et respectueux des traditions. Le second est un peu modéré. Il pose, cependant, le problème de source de l’autorité et de la légitimité lorsqu’il s’agit d’opérer un choix social. Cette tendance reconnaît les limites des traditions où le monopole de choix est réservé à la seule élite des ‘’gardiens’’ de la tradition (citons par exemple le cas des églises et des coutumes). Pour cette approche, « s’il est nécessaire de sacrifier un mode de vie traditionnel pour briser le carcan de la pauvreté et allonger l’espérance de vie (plaies millénaires de nombreuses sociétés), l’ensemble des populations directement concernées devrait participer au processus de décision »[65]. De ce point de vue ressort l’idée selon laquelle seule la démocratie garantit la liberté de participation, liberté étouffée par plusieurs traditions et cultures telles que les structures religieuses ainsi que coutumières. Amarya Sen ajoute  que « les tentatives pour étouffer la liberté de participation au nom des valeurs traditionnelles ignorent la simple notion de légitimité et le besoin, pour les personnes de prendre part aux décisions concernant ce qu’elles souhaitent et ce qu’elles ont raison d’accepter[66]. » Pour ce faire, l’approche par les « capabilités » vise l’épanouissement de l’homme. Elle implique non seulement les objectifs du développement, mais aussi et surtout le processus ou les procédures à respecter[67].
Pour clore ce point, remarquons que le développement, tel que conçu par Amartya Sen, ne se limite pas au progrès économique relatif à l’industrialisation, l’augmentation du revenu et à l’évolution du PNB. Il s’étend et dépend d’autres dispositions relatives à la liberté. Le bon développement est celui qui supprime la pauvreté et la tyrannie, deux fléaux qui constituent les causes des privations des libertés. Dans cette perspective, Sen prouve le fait que le déni de liberté est assez fréquent dans le monde entier. Qu’il s’agisse des pays riches ou de pays pauvres, ce déni se présente de différentes formes. Sur le plan social, la famine, la malnutrition, le manque d’eau potable, peuvent être soulignés. Sur le plan politique ce déni se présente sous forme des dénis de droits civiques, la dictature, le régime autoritaire, l’oppression d’expression. Sur le plan économique ce déni touche l’aspect de la sécurité économique. Ce genre de déni de liberté entrave le développement car il ne permet pas l’adhésion de tout le monde dans le processus de décision. Les dénis de libertés sont, d’après lui, des privations de « capabilités » de l’être humain.
Pour démocratiser le développement, il propose la préservation des libertés politiques, économiques et sociales. Cette préservation éviterait au monde entier de sombrer dans des catastrophes qu’ont connues les régimes autoritaires (telles que les famines en Ukraine (1930), en Chine (1958 et 1961), au Cambodge (1930) ou dans les régimes militaires tels qu’en Ethiopie, Somalie, les pays de Sahel dans le passé récent. Pour l’auteur, le sous-développement est perçu comme non liberté et que le développement est un processus d’élimination des non-libertés et d’extension des libertés substantielles. S’il en est ainsi, quel est le fondement du développement entendu comme épanouissement ?
II.2. Du « développement comme liberté »
Le point précédent s’est focalisé sur les facteurs du sous-développement. Ce dernier est compris par Amartya Sen comme déni de liberté. Le présent posera le fondement du développement entendu comme épanouissement de la personne humaine. La liberté y occupera une place de choix par son double caractère de moyen et de fin du développement. Deux sous points vont scander ce point. Le premier portera sur la question de la liberté comme moyen et fin du développement. La distinction entre la liberté positive (Freedom to) de la liberté négative (Freedom from) y sera également abordée. Le second s’attèlera sur les rôles de la liberté dans le processus d’évaluation du développement.
II.2.1. De la liberté comme fin et moyen du développement
Avant de présenter la conception du développement comme liberté, Amartya Sen distingue deux attitudes antinomiques à l’égard du processus de développement. La première attitude entend par développement « un processus brutal, supposant beaucoup de ‘’sang, de sueur et de larmes’’ »[68]. Le slogan de cette approche est : « rigueur et discipline ». Elle  s’en tient sur les exigences du moment. La seconde considère « que le développement est un processus essentiellement compréhensif. »[69] Cette perspective comprend à son tour deux ramifications : celle visant à promouvoir les échanges mutuellement bénéfiques et celle dont la visée porte l’amélioration du fonctionnement des ‘’filets de sécurité’’ sociaux ou sur l’établissement des libertés politiques, le développement social ou encore sur la combinaison de deux ou plusieurs de ces paramètres. Cette tendance a des affinités avec l’approche par les « capabilités » dans la mesure où elle accorde de l’importance à la liberté et au développement social.
En effet, Amartya Sen conçoit le développement comme un processus d’expansion de libertés réelles des personnes. Il comprend par la liberté une fin et un moyen du développement puisqu’elle joue un double rôle constitutif et instrumental dans le processus de développement. Avant d’examiner ces deux rôles de la liberté il est important de porter de la lumière sur ce que l’on entend de la liberté positive et liberté négative.




II.2.1.1. Distinction entre liberté négative et liberté positive
Les libertés occupent la place centrale et constituent le cœur de l’approche du développement défendue par Amartya Sen. En plaçant d’emblée la liberté au centre de son analyse et en lui conférant un rôle primordial, l’auteur adhère à l’idéal libéral du primat des libertés. Les philosophes libéraux mettent la liberté au centre de leurs théories. Isaïah Berlin[70] fait une distinction entre la conception négative et positive de la liberté. « La liberté négative est définie comme l’absence d’obstacles ou de contraintes. ‘’Je suis normalement considéré comme libre dans la mesure où aucun sujet, individuel ou collectif, n’interfère (de manière délibérée) dans mon activité[71] En d’autres termes, la liberté négative consiste en l’absence d’ingérence de la part d’autrui dans la poursuite de ses propres fins. De ce fait, la liberté politique désigne le champ au sein duquel une personne peut agir sans voir son action obstruée par autrui.
La liberté négative renvoie à l’idée de la sécurité individuelle. « Chacun doit pouvoir librement conduire ses affaires en toute sécurité, il doit être libre de penser, de se déplacer ou de s’associer. L’Etat est alors perçu, dans cette perspective, comme une ingérence permanente. »[72] Pour les libéraux, en effet, cette approche désigne la liberté par rapport au contrôle, à la contrainte, aux restrictions et à l’ingérence de l’Etat. Dans cette optique l’Etat ne devra s’occuper que de ses fonctions régaliennes de sorte que la liberté se trouve réalisée de manière maximale à chaque instant pour chaque citoyen.[73]
En revanche, « la notion de la liberté positive met en avant la possibilité d’agir dans la mesure où l’action est sous le contrôle de l’individu et répond à certaines de ses fins fondamentales. »[74] Ainsi comprise, la liberté « est associée à l’idée de liberté comme puissance d’agir, c’est-à-dire d’être libéré des contraintes internes et externes permettant d’acquérir une autonomie de contrôle sur sa vie[75] ». Etre libre positivement veut dire être en mesure d’accomplir ce qu’on a rationnellement décidé d’accomplir. Le sens de la liberté positive naît du souhait de l’individu d’être son propre maître. L’individu souhaite, en effet, être un sujet et non un objet, être mû par des buts conscients qui lui sont propres, et non par des causes externes qui pourraient l’affecter.
La conception de la liberté positive inspire l’approche par les « capabilités ». Celle-ci soutient que « l’individu doit pouvoir mener le type de vie qu’il souhaite dans le cadre réglementaire pour le bien-être humain »[76]. S’il en est ainsi, comment un pauvre peut-il exercer sa liberté positive ? Pour Amartya Sen, « si l’on définit la liberté positive comme ‘’liberté de mettre en œuvre diverses combinaisons de fonctionnements’’, l’individu victime de privations est également victime d’un déni de liberté positive »[77].
En définitive, la liberté négative (Freedom from) c’est l’absence de toute contrainte ; ce qui peut conduire au libertinage. La liberté positive (Freedom to), par contre, est une liberté encadrée en vue de quelque chose pouvant concourir au mieux-être. Qu’en est-il du rôle de la liberté dans le processus de développement ?
II.2.2. Rôles de la liberté dans le processus du développement
Comme mentionné précédemment, l’approche du développement comme liberté a plus d’affinité avec la perspective qui conçoit le développement comme un processus essentiellement compréhensif dans la mesure où elle vise à améliorer le fonctionnement des « filets de sécurité » sociaux ou à établir les libertés politiques, le développement social, ou encore à combiner les deux ou plusieurs de ces paramètres. Au fait, la notion de liberté, telle qu’entendue dans l’approche du développement comme liberté, prend en compte aussi bien les processus permettant l’exercice d’un libre choix dans l’action que les possibilités réelles qui s’offrent aux personnes, compte tenu de conditions de vie dans lesquelles elles évoluent[78].
En effet, l’approche par les « capabilités » se fonde sur l’analyse du développement envisagé comme un processus d’expansion des libertés réelles dont peuvent jouir les personnes. L’attention se focalise ici sur les « capabilités » (par ce concept il faut entendre la capacité et la possibilité d’être ou de faire) dont jouissent les personnes pour diriger leur vie comme elles l’entendent, c’est-à-dire en accord avec les valeurs qu’elles respectent et qu’elles ont raison de respecter. De cette façon, l’expansion des libertés constitue à la fois la fin première et le moyen principal du développement. C’est ce qu’Amartya Sen appelle respectivement « rôle constitutif » et « rôle instrumental » de la liberté dans le processus de développement.[79]
II.2.2.1. Rôle constitutif de la liberté
Le rôle constitutif de la liberté concerne les libertés substantielles, éléments indispensables à l’épanouissement des vies humaines. Par « libertés substantielles », Amartya Sen entend l’ensemble des « capabilités », élémentaires. Il s’agit de « la faculté d’échapper à la famine, à la malnutrition, à la morbidité évitable et à la mortalité prématurée, aussi bien que l’alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la libre expression, etc. »[80] Partant du rôle constitutif, le développement se ramène à l’expansion des libertés fondamentales. Ainsi le développement se veut un processus d’expansion des libertés humaines. La raison d’évaluation est le fondement de ce rôle dans la mesure où toute appréciation du développement, d’après Amartya Sen, doit tenir compte des libertés humaines. Il s’agit, au fait, de l’évaluation du succès d’une société  par les libertés substantielles dont jouissent ses membres. Contrairement aux autres approches qui privilégient une base informationnelle (revenus et richesse) dans l’évaluation du bien-être, l’approche par les « capabilités » fonde son évaluation sur une base factuelle, centrée sur les libertés réelles, dont les gens veulent, avec raison, bénéficier[81].
II.2.2.2. Rôle instrumental de la liberté
Ce rôle concerne la manière dont une grande variété de droits, de possibilités et d’acquis contribuent à l’expansion de la liberté humaine en général et, par conséquent à la promotion du développement. Alors que le rôle constitutif se fonde sur la raison d’évaluation, le rôle instrumental se fonde sur la raison d’effectivité. Il ne s’agit pas seulement de se servir de la liberté comme critère d’évaluation du succès et de l’échec, mais aussi, de monter que la liberté individuelle est un déterminant essentiel de l’initiative individuelle et de l’effectivité sociale. D’où, l’individu, loin d’être considéré comme un patient, est pris pour un agent actif, « une personne qui agit et modifie l’état des choses et dont les résultats doivent être jugés selon les objectifs et les valeurs explicitement formulés par cette personne ».[82]
En effet, l’approche du développement comme liberté met l’accent sur le rôle d’agent d’une personne considérée comme membre d’une collectivité et comme intervenant sur la scène économique, sociale et politique, que ce soit par une implication sur le marché ou une participation directe ou indirecte, individuelle ou collective, dans la sphère politique ou à d’autres niveaux.[83]
Amartya Sen élabore cinq libertés instrumentales fondamentales. Celles-ci contribuent, de manière directe ou indirecte, à offrir aux personnes la latitude de vivre conformément à leurs aspirations. Il s’agit de la liberté politique, les facilités économiques, les opportunités sociales, les garanties de transparence et de sécurité protectrice. Ces libertés sont complémentaires et contribuent toutes à la capacité générale d’une personne de vivre plus librement.
·         Les libertés politiques. Elles incluent les droits civiques. En effet, « l’ensemble des possibilités offertes aux individus, de déterminer qui devrait gouverner et selon quels principes, de contrôler et de critiquer les autorités, de s’exprimer sans restrictions et de lire une presse non censurée, de choisir entre des partis politiques que l’on associe au fonctionnement démocratique, confrontation politique et dialogue, droit de vote et participation au processus de sélection des corps législatifs et exécutifs sont compris sous cette notion de libertés politiques »[84] Bref, les libertés politiques constituent l’ensemble des libertés offertes aux personnes de s’exprimer, de voter, de s’opposer ou de s’organiser en association.
·         Les facilités économiques. Ce sont des opportunités offertes aux personnes de faire usage des ressources économiques à des fins de consommation, de production ou d’échanges. Amartya Sen pense que « la marge de manœuvre économique des personnes dépendra des ressources qu’elles possèdent ou de celles dont elles peuvent disposer, aussi bien que des conditions de l’échange, telles que les prix relatifs ou le fonctionnement des marchés. »[85] L’élargissement équivalent des facilités économiques de la population traduit, selon lui, l’accroissement du revenu et de la richesse d’un pays. Les facilités que les agents économiques sont capables de s’assurer sont influencées par l’accès au financement. D’où le rôle important des microcrédits octroyés aux grandes entreprises ainsi qu’aux individus.
·         Les opportunités sociales. C’est l’ensemble des services publics. Par opportunités sociales l’auteur entend les dispositions prises par une société en faveur de l’éducation, de la santé ou d’autres postes et qui accroissent la liberté substantielle qu’ont les personnes de vivre mieux. « L’existence de tels services modifie la qualité de vie individuelle (suivi médical, prévention de la morbidité évitable et de la mortalité prématurée) et favorise une participation plus effective  aux activités économiques et politiques ».[86] L’auteur illustre ce qui précède par deux exemples. Le premier porte sur l’analphabétisme qui est un facteur d’exclusion économique pour toutes les activités dans lesquelles la production répond à des spécifications écrites ou s’accompagne des stricts contrôles de qualité, situation qui se généralise dans le cadre de la mondialisation.[87] Le second exemple concerne la possibilité de lire la presse ou de communiquer par écrit. Cette possibilité facilite la participation politique.
·         Les garanties de transparence. C’est la confiance qui fonde le fonctionnement des sociétés. En effet, la notion de garanties prend en compte l’exigence de non-duplicité, exigence présupposée dans les relations sociales, c’est-à-dire la liberté de traiter, à quelque niveau que ce soit, en respectant une garantie au moins implicite de clarté.[88] A défaut de ces garanties de transparences, les personnes subissent dans leur existence le contrecoup direct. Les garanties de transparence dont le droit de divulgation, constituent, à l’en croire, une catégorie significative de la liberté instrumentale. Elles jouent un rôle instrumental déterminant dans la prévention de la corruption, de l’irresponsabilité financière et des ententes illicites. Bref, ces garanties représentent la liberté de traiter dans les relations sociales de façon claire et licite.
·         La sécurité protectrice. C’est l’ensemble des libertés sociales accordées aux plus vulnérables afin de leur éviter la mort. Elle sert, en effet, à fournir aux populations vulnérables un « filet de protection » sociale afin qu’elles ne se trouvent, en aucun cas, réduites à la misère voire, dans des situations extrêmes, à la famine ou à la mort. Le domaine de la sécurité protectrice recouvre des dispositions institutionnelles formalisées (allocations pour les sans-emplois, compléments de revenus statutaires pour les indigents) et des capacités d’interventions exceptionnelles (fonds de secours en cas de famine, ou programmes de travaux publics destinés à fournir un revenu aux victimes des crises).[89]
Somme toute, l’analyse que fait Amartya Sen sur les libertés instrumentales comprend la conception libérale de la société. Ces libertés permettent à l’individu d’acquérir une autonomie et, une sphère privée non contrainte telles qu’elles lui permettent de mettre en œuvre sa liberté d’agence. L’homme ne pourra s’épanouir qu’à partir du moment où tout concoure au renforcement de ses libertés et à leur expansion. A ce niveau de réflexion, il importe d’examiner, dans le point suivant, la question de critères d’évaluation du bien-être d’une personne.
II.3. De l’évaluation du bien-être
La liberté entendue comme moyen et fin du développement a constitué la pierre angulaire du précédent point. Elle y a été présentée comme principe et fondement d’une vie épanouie. Elle constitue une des conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie humaine dans la mesure où elle permet à la personne de mener une vie qu’elle juge rationnellement bonne. Le présent point s’attèlera aux critères d’évaluation du bien-être des individus. Il s’agit des critères de jugement pouvant permettre de dire que telle personne est heureuse ou qu’elle mène une vie épanouie. Pour y arriver et afin de mesurer la portée de la nouveauté, un regard sera porté sur les conceptions du bien-être dans l’histoire. Trois d’entre elles retiendront notre attention. Il s’agit de l’utilitarisme, de la conception des biens premiers de John Rawls et de l’approche par les « capabilités ». Le choix porté sur ces trois conceptions se justifie par le fait qu’elles nous donnent les critères d’évaluation d’une société juste et par conséquent, d’une vie épanouie.
II.3.1. Approche utilitariste
Comment mesurer le niveau de vie d’une personne ? Répondre à cette question revient à examiner la notion du bien-être individuel. En effet, le bien-être  signifie, du point de vue sanitaire, comme un état de santé de la personne, sa bonne santé. Sur le plan moral l’utilitarisme mesure le bien-être par l’utilité que procure une action. Inaugurée par Jeremy Bentham, l’utilitarisme prend le bonheur ou le plaisir des personnes en termes de niveau de revenus, de ressources ou de fortune. Sa base d’information est la somme totale de l’utilité. Par base d’information, il faut entendre l’ensemble des informations dont il est nécessaire de disposer pour formuler un jugement conforme à cette démarche. Classiquement, « l’utilité d’une personne représente une mesure de son plaisir ou de son bonheur. L’idée est de prendre en compte le bien-être de chaque individu, bien-être considéré avant tout comme une caractéristique mentale, c’est-à-dire en relation avec le plaisir ou le bonheur qui en résulte »[90]. L’utilitarisme base son évaluation sur les seules utilités. Le sens qu’on accorde à l’utilité a évolué dans l’histoire. L’utilitarisme classique la définit par le plaisir, le bonheur ou la satisfaction. Toute chose est évaluée à l’aune de ces catégories. La conception moderne conçoit l’utilité non en termes de contentement, de plaisir ou de bonheur, mais en termes de satisfaction d’un désir. L’utilité égale la satisfaction des désirs et des préférences d’une personne.
Ces deux moments dans la conception de l’utilitarisme se rencontrent dans l’indifférence aux libertés et aux droits. L’utilitarisme classique prend en compte toutes les données relatives au bonheur ou au plaisir des individus. L’utilité est évaluée par la somme des plaisirs et des peines que procure une action. Cette idée fonde la doctrine éthique de l’utilitarisme selon laquelle une société juste est une société heureuse, car elle maximise le plaisir pour ses membres. Elle propose de ne tenir compte que de seuls plaisirs et peines pour juger de ce qui est juste ou bon. Par ce fait, elle s’émancipe de toute conception morale et métaphysique du bonheur. L’utilité devient le seul critère explicatif et normatif de toute action. L’utilité d’une personne représente ainsi une mesure de son plaisir ou de son bonheur. La qualité d’une situation dépendra donc de la somme des utilités personnelles qu’elle représente. Les tenants de cette approche sont : Jeremy Bentham (initiateur), John Stuart Mill, William Stanley Jevons, Henry Sidgwick, Francis Edgeworth, Alfred Marshall et A.C. Pigou.[91]
Trois principes résultent de la factorisation de l’utilitarisme. Ceux-ci en constituent les facteurs. Il s’agit du «  conséquentialisme », du  « welfarisme » et du classement après sommation.
Le « conséquentialisme » soutient que tous les choix des actions, des règles, des institutions, etc. doivent être jugés selon leurs conséquences, c’est-à-dire en fonction des résultats qu’ils délivrent.[92] Autrement dit, « la justesse des actions et, plus généralement, du choix de toutes les variables de contrôle doit être jugée entièrement d’après la qualité de la situation qui en résulte »[93].
Le « welfarisme » ou théorie du bien-être restreint le jugement sur un état de fait aux seules utilités dans leurs états respectifs, sans tenir compte de données concernant la satisfaction ou la violation des droits, des obligations etc.[94] En d’autres mots, « la qualité des situations doit être jugée entièrement en fonction de la qualité de l’ensemble des utilités individuelles prévalant dans les situations respectives ».[95]
Le « classement après sommation » exige que les utilités de différentes personnes soient simplement additionnées pour obtenir leur mérite agrégé, sans tenir compte de la distribution de ce total entre les individus. La somme des utilités doit être maximisée indépendamment des inégalités dans la distribution des utilités.[96] Bref, « la qualité de n’importe quel ensemble d’utilités individuelles doit être entièrement jugée en fonction de leur somme totale ».[97]
Ces trois composantes se rencontrent sur un point : tout choix est jugé par la somme d’utilités qu’il engendre.
Quels mérites pouvons-nous accorder à l’utilitarisme ? Amartya Sen en retient deux. « 1) la nécessité de prendre en considération les résultats dans toute appréciation d’une situation sociale (ne jamais négliger l’examen des conséquences, sans pour autant adhérer à un conséquentialisme intégral) ; 2) l’exigence de prendre en compte le bien-être des gens concernés, dans l’analyse d’une situation sociale et de ses résultats (on ne saurait oublier cet impératif, même en refusant les critères utilitaristes du bien-être, fondés sur l’utilité et les formalisations mathématiques de la satisfaction mentale).»[98]
Quant aux limites, Amartya Sen en mentionne trois découlant de sa base d’information de laquelle la conception de justice ne résiste pas à l’analyse. Ces trois inconvénients sont successivement l’indifférence distributionnelle, un total désintérêt pour les droits, les libertés et autres questions liés à l’utilité, et enfin, l’adaptation et le conditionnement mental. Au sujet de l’indifférence distributionnelle, l’auteur remarque que « les calculs d’utilité tendent à ignorer les inégalités dans la répartition du bonheur (seule compte la sommation des utilités, quel que soit le mode de distribution). On est pourtant en droit de se soucier, au-delà du bonheur général et des grandeurs agrégées, de l’étendue des inégalités dans la distribution du bonheur. »[99]
Pour ce qui concerne le total désintérêt pour les droits, les libertés et les autres questions non liées à l’utilité, l’auteur pense que « l’approche utilitariste n’accorde pas aucune importance intrinsèque aux revendications concernant les droits et les libertés (elles ne suscitent pas qu’un intérêt indirect et dans la seule mesure où elles influencent les utilités). La sensibilité au bonheur manifestée par l’utilitarisme est certes méritoire, mais voulons-nous être des esclaves heureux, des vassaux sans discernement ? »[100]
Quant à l’adaptation et le conditionnement mental, Amartya Sen estime que « le point de vue utilitariste sur le bien-être individuel manque de solidarité, puisqu’il est susceptible de varier en fonction d’un conditionnement mental ou d’attitudes adaptatives ».[101]
En définitive, le bonheur compris sous forme de satisfaction de désirs est un critère trop superficiel pour évaluer le bien-être. Au fait, « le bien-être est enfin de compte une question d’évaluation, et si le bonheur et la satisfaction des désirs comptent certes beaucoup dans le bien-être d’une personne, ils ne peuvent pas, ni séparément ni même ensemble, refléter correctement la valeur du bien-être. »[102] Comme la thèse de l’utilité en tant que seule source de valeur repose sur l’assimilation de l’utilité et du bien-être, deux raisons peuvent constituer la critique de cette approche. Premièrement, le bien-être n’est pas la seule valeur. Deuxièmement, l’utilité ne représente pas correctement le bien-être.
II.3.2. Approche par les « biens premiers »
La théorie des « biens premiers » est une théorie mise en place par le philosophe américain dans son ouvrage  Théorie de la Justice. Par « biens premiers » John Rawls entend  ce dont les citoyens en tant que personnes libres et égales ont besoin et dont la revendication est justifiée. Il s’agit de tout ce que tout homme rationnel est supposé désirer quels que soient ses autres désirs. Ainsi distingue-t-il cinq « biens premiers » notamment les revenus et la richesse, les droits et libertés de base, la liberté de circulation et la liberté dans le choix d’une occupation, les pouvoirs et les prérogatives afférant à certains emplois et positions de responsabilité et, les bases sociales du respect de soi. « A) Les droits et libertés de base : la liberté de pensée, la liberté de conscience, la liberté d’association et les libertés politiques. Les droits politiques égaux et la liberté de pensée permettent aux citoyens de développer et d’exercer les deux facultés morales ; à savoir, le sens du bien et le sens de la justice, qui caractérisent les personnes libres et égales, dans l’appréciation de la justice de la structure de base et de ses politiques sociales. La liberté de conscience et la liberté d’association donnent aux citoyens les moyens de développer et de réaliser leur conception du bien. Ces droits et libertés de base ont le rôle de protéger et de garantir l’exercice de deux facultés morales. En définitive, ces droits et libertés de base permettent, d’une part, l’évaluation de la justice des institutions de base et des politiques sociales ; et, d’autre part, l’exercice et le développement de deux facultés morales.
B) La liberté de mouvement et la liberté dans le choix d’une occupation entre des possibilités variées. En effet, en ce qui concerne la liberté dans le choix d’une occupation, il est question du « libre choix d’une occupation dans le contexte social offrant des possibilités diverses, possibilités permettant de chercher à réaliser une variété de fins et de mettre en œuvre les décisions de révision et de modification de ces fins ».[103]
C)  Les pouvoirs et les prérogatives afférant à certains emplois et positions de responsabilité dans les institutions politiques et économiques de la structure de base.
 D) « Le revenu et la richesse, considérés comme des moyens polyvalents dont on a généralement besoin  pour réaliser une vaste gamme de fins, quelle que soit la nature de ces fins.
E) Les bases sociales du respect de soi-même, comprises comme les aspects des institutions de base normalement essentiels pour que les citoyens aient un sens aigu de leur valeur en tant que personnes, et qu’ils soient capables de progresser dans leurs fins avec confiance. »[104]
La théorie des « biens premiers » est un espace d’évaluation. Dans celui-ci, le fait qu’aucune compensation ne soit permise entre les libertés fondamentales et les gains économiques et sociaux permet d’éviter le problème des ‘’goûts dispendieux’’. Elle est un espace adéquat pour les comparaisons interpersonnelles du bien-être. De même, dans cet espace, les libertés réelles et non formelles sont garanties.
Pour Amartya Sen, cependant, la proposition rawlsienne d’égalité des biens premiers demeure insuffisante d’autant plus qu’elle ne tient pas compte de la diversité des individus et, en l’occurrence, de leur hétérogénéité dans l’usage qu’ils peuvent faire de ces biens premiers. Ainsi pour réaliser un même état de bien-être qu’une personne valide, un handicapé nécessite davantage de biens premiers. Pourtant, aucune pertinence pour le principe de différence n’est en vue.[105]
Amartya Sen reproche donc à John Rawls son ‘’fétichisme des biens premiers’’, c’est-à-dire de ne considérer que les ressources en biens premiers dont sont dotés les individus sans prendre en compte la liberté que chacun a de les utiliser en vue d’accomplir la vie qu’il souhaite.[106]
Tout en reconnaissant que les revenus et les biens matériels constituent la base du bien-être, le philosophe indien observe que l’usage que chacun peut tirer d’un ensemble donné de biens matériels, ou, plus précisément, d’un niveau donné de revenus dépend, de toute une série de circonstances contingentes liées à l’individu ainsi qu’à la société. Il en identifie cinq sources distinctes de variation entre revenus réels et les avantages, le bien-être et la liberté qu’on peut en tirer.[107] Ces cinq sources sont les suivantes :
« 1) Hétérogénéité des personnes. Les gens sont dotés de caractéristiques physiques disparates, en relation avec l’âge, le sexe, les infirmités ou les maladies. En conséquence, leurs besoins sont divers. Un malade, par exemple, peut avoir besoin, pour accéder à un traitement, d’un revenu plus élevé qu’une personne en bonne santé et, même en bénéficiant des meilleurs remèdes, le malade ne jouit pas pour autant d’une qualité de vie équivalente – à revenu égal – que la personne en bonne santé. Un handicapé peut avoir besoin d’une prothèse, une personne âgée d’une aide permanente, une femme enceinte de plus de nourriture, etc. La « correction » nécessaire diffère selon la nature de chaque désavantage et certains de ces derniers ne sont susceptibles d’aucune réelle « compensation » même par transfert de revenus importants.
2)      Diversité de l’environnement. Les variations des conditions du milieu ; telles que les paramètres du climat (amplitude des températures, pluviométrie, inondabilité et autres) exercent une influence sur ce qu’une personne peut obtenir à partir d’un niveau de revenu donné. La nécessité de se chauffer, de se couvrir dans les pays froids crée des problèmes pour les plus pauvres que ne partagent pas leurs équivalents dans les régions tropicales, par exemple. Le caractère endémique de maladies infectieuses (malaria, choléra, sida), dans certaines zones, altère la qualité de vie dont les habitants pourraient jouir. Il en va de même pour la pollution ou d’autres problèmes d’environnement.
3)      Disparités de l’environnement social. La conversion du revenu individuel et des ressources en qualité de vie est aussi influencée, en un lieu donné, par divers éléments de la configuration sociale, tels que le développement de l’enseignement public ou la prévalence de la criminalité et de la violence. Les questions de santé publique ou de pollution relèvent de ce domaine, autant que de l’environnement. Outre les services publics, la nature des relations sociales joue un rôle déterminant(…).
4)      Relativité des perspectives. L’ensemble des biens nécessaires, correspondant à un comportement social donné, peut varier d’une société à l’autre, en fonction des convictions et des usages. Ainsi, un individu doté d’un statut relativement pauvre dans un pays riche rencontre des obstacles insurmontables qui l’empêchent d’assumer certains « fonctionnements » élémentaires (participer à la vie sociale, par exemple) même si ses revenus, en termes absolus, sont de loin supérieurs au niveau moyen qui permet aux individus de pays pauvres d’assumer ces mêmes fonctionnements avec aisance. Par exemple, « faire face à un public sans perdre ses moyens » suppose de se conformer à une norme vestimentaire et à d’autres critères de consommation apparente beaucoup plus sophistiqués dans une société développée (…). On rencontre la même variabilité si l’on examine le montant des ressources personnelles nécessaires pour jouir d’une bonne estime de soi. Ces variations entrent en ligne de compte, avant tout, à l’occasion de comparaisons entre sociétés et non lors de comparaisons interindividuelles, au sein d’une société, mais les deux aspects sont souvent liés.
5)      Distribution au sein de la famille. Les revenus acquis par un ou plusieurs de ses membres sont partagés entre tous. La famille constitue donc l’unité de base dans tout examen du revenu, du point de vue de son utilisation. Au sein d’une famille, le bien-être ou la liberté de chaque individu dépend de la part du revenu qui lui est attribué dans la poursuite de ses intérêts ou de ses objectifs. La distribution familiale du revenu constitue un paramètre essentiel qui reflète le lien entre possibilités et succès individuels, d’une part, et le niveau de revenu familial, de l’autre. Les règles de répartition en usage dans une famille (liées, par exemple, à l’âge, au sexe ou aux besoins admis) modifient, dans des proportions significatives, les objectifs et la situation de chacun de ses membres. »[108]
L’approche par « les biens premiers », en définitive, donne une base d’évaluation d’une société juste, société qui garantit à tous une égalité de chance. Mais elle n’est pas un critère idéal pour évaluer la qualité de vie que mènent les membres d’une société sur le plan individuel. Car étant donné les différentes variations qui influencent la relation entre revenu et bien-être, l’idée d’opulence fournit, d’après Sen, un critère très limité pour juger la qualité de vie individuelle. D’ailleurs, la théorie des « biens premiers » ne donne pas les moyens dont pourront disposer les membres d’une société pour convertir les biens premiers en fins. D’où la nécessité d’une nouvelle approche qui mette au premier plan la liberté qu’ont les personnes de mener une vie qu’elles souhaitent.
II.3.3. Approche par les « capabilités »
Dans les lignes précédentes nous avons abordé  l’approche utilitariste et celle des « biens premiers» comme des critères d’évaluation du bien-être et de la justice sociale. Il convient en présent d’examiner en quoi l’approche par les « capabilités » se veut une alternative au « welfarisme » et à la théorie des « biens premiers ». Il sera question de présenter d’abord le concept de « capabilité », ensuite  l’élucidation de quelques concepts clés de cette approche, enfin, la liberté comme responsabilité sociale.
II.3.3.1. Du concept « capabilié »
Amartya Sen pense que l’approche utilitariste et celle des « biens premiers » ne sont pas des critères idéaux dans la mesure du niveau de vie des personnes voire de la justice sociale. D’où la nécessité d’une nouvelle approche visant à prévenir et à combattre les injustices flagrantes dans les sociétés. Le but du philosophe et économiste indien, à travers l’approche par les « capabilités » n’est donc pas de construire  un modèle théorique de société parfaitement juste dans la ligne de John Rawls. En effet, pendant que l’approche utilitariste et celle des « biens premiers » se concentrent sur les moyens de mener une vie bonne, l’approche par les « capabilités », elle, constitue une voie nouvelle qui consiste à « s’attacher au mode de vie que les gens s’efforcent de mener (ou pour aller plus loin, à la liberté mise en œuvre pour mener la vie que l’on a raison de souhaiter) »[109] Cette nouvelle approche se focalise non sur les biens mais sur les libertés qui résultent de ces biens. En d’autres termes, alors que les utilitaristes fondent leur démarche d’évaluation sur les utilités et Rawls sur les « biens premiers », le philosophe indien la fonde sur le domaine pertinent qu’est celui des libertés non formelles, les « capabilités », de choisir un mode de vie que l’on a raison de souhaiter. Il s’agit donc de définir la possibilité réelle d’un individu de poursuivre ses objectifs. D’où l’importance de prendre en compte non seulement les biens premiers détenus par les personnes, mais également les caractéristiques personnelles qui commandent la conversion des biens premiers en facultés personnelle de favoriser ses fins.[110]
Au fait, par « capabilités » Amartya Sen entend les libertés réelles de mener la vie que l’on valorise. Ce concept permet de ne pas seulement s’intéresser aux vies que les gens mènent, mais aussi, à la liberté réelle qu’ils ont de choisir entre différentes façons de vivre. L’approche par les « capabilités », du pont de vue politique, a pour objectif de garantir à tous et à toutes les conditions nécessaires d’une vie réellement autonome. Sous cet angle, cette approche comprend deux dimensions essentielles. Il s’agit du pouvoir ou de la capacité d’agir (empowerment) et de la liberté ou la possibilité de choix. Le pouvoir d’agir exige que les bénéficiaires des politiques sociales disposent des effectifs de mener la vie de leur choix. La liberté de choix, quant à elle, requiert que le choix soit réellement libre et non pas imposé par les représentants des autorités publiques. D’après Amartya Sen, la capacité d’action et la possibilité de choix vont de pair dans le sens où développer les moyens d’action des personnes ne suffit pas. Ce serait, selon lui, imposer des comportements ou des manières d’être spécifiques aux gens ; encore faut-il leur garantir les moyens de choisir librement que possible leur mode de vie.
Par ailleurs, partant de la nécessité de créer les possibilités de conversion du revenu et d’autres biens premiers en bien-vivre et en liberté individuelle, l’approche par les « capabilités » considère la personne comme un agent jouissant de la capacité d’être ou de la possibilité d’action, ayant des buts à atteindre. Il ne faut plus donc percevoir les personnes comme de simples réceptacles du bien-être en ignorant l’importance de leurs jugements et de leurs priorités personnelles qui font d’elles des acteurs et des êtres humains responsables. En faisant la distinction entre qualité d’agent et bien-être d’une part, et liberté et accomplissement de l’autre, Amartya Sen aboutit à quatre concepts différents qui permettent de mesurer les avantages que possède une personne. Il s’agit du bien-être acquis, de ce que la personne accomplit en sa qualité d’agent, de la liberté qu’elle a d’acquérir du bien-être et de sa liberté d’action.
Que favorise la conversion des revenus et d’autres « biens premiers » en fins ? Amartya Sen établit trois types de conversion des ressources en « capabiltés » ou en fins ou encore en libertés réelles :
·         Facteurs individuels : c’est l’ensemble des caractéristiques, capacités ou compétences individuelles ;
·         Facteurs sociaux : c’est le contexte social dans lequel évolue la personne ;
·         Facteurs environnementaux : infrastructures appropriées en matière de conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle ; régulation adéquate du marché du travail afin de garantir des emplois.
S’il en est ainsi, avoir la liberté de mener la vie que l’on souhaite implique, pour Amartya Sen, d’avoir accès à des opportunités de qualité sur le marché du travail, dans le secteur public et associatif, ainsi que dans les autres sphères de la vie, tels que les loisirs, la famille, les associations, etc. Ainsi les dimensions du bien-être d’une personne sont la consommation, la santé, l’éducation, le loisir, la participation, le lien social, l’environnement, la sécurité et le revenu.
            Avec l’approche par les « capabilités », une nouvelle dimension est introduite dans les critères pertinents pour mesurer le progrès économique et la justice sociale. Il s’agit de la liberté qu’ont les gens de mener un style de vie de leur choix. Cette nouvelle dimension exige qu’il ne faille pas confondre  les fins et les moyens : ne pas prêter aux revenus, à la prospérité, une importance intrinsèque, mais évaluer ces derniers en fonction de ce qu’ils concourent à construire, en particulier des vies dignes d’être vécues. Et s’agissant de la justice sociale, son évaluation se fonde sur la « capabilité ». En effet, « les exigences des individus ne sont pas évaluées en fonction des ressources ou des biens premiers qu’ils possèdent, mais d’après la liberté qu’ils ont effectivement de choisir entre différents modes de vie auxquels ils peuvent tenir ».[111]
            Le concept « capabilité » ainsi défini, il sied d’élucider ses concepts centraux à savoir ceux de « fonctionnement » et de « caractéristique ».



II.3.3.2. Fonctionnement et caractéristique
La « caractéristique » d’un bien est un trait important de ce bien. Le « fonctionnement » est, en revanche, un trait caractéristique de la personne en relation avec le bien. Les fonctionnements de la personne reflètent ainsi les caractéristiques de la personne : ce qu’elle fait ou est. Les « capabilités » de fonctionner reflètent ce qu’une personne peut faire ou peut être. Un fonctionnement, est par conséquent, une réalisation tandis qu’une « capabilité » est une aptitude à la réalisation. En ce sens, un fonctionnement est plus directement lié aux conditions de vie dans la mesure où il constitue différents aspects des conditions de vie. Les « capabilités », au contraire, sont des notions de liberté, dans le sens positif : de quelles opportunités réelles disposent les personnes au regard de la vie qu’elles peuvent mener. Ainsi Amartya Sen définit le bien-être d’une personne comme la qualité de son existence.[112]
   « Pour mener une vie épanouie toute personne doit effectuer un certain nombre de fonctionnements. Dans ce cadre, les biens quels qu’ils soient, de consommation comme de capital, ne sont utiles que par ce qu’ils permettent de faire ou d’être, donc de faciliter les fonctionnements correspondants, ils n’ont donc qu’un rôle instrumental. »[113] Pour illustrer ce qui précède, Bertin donne l’exemple d’un morceau de pain. Ici trois choses doivent être distinguées : le fait de posséder ce morceau de pain, le fait de le manger et la satisfaction que l’on retire de sa consommation. Le fonctionnement est ici le seul fait de manger ce morceau de pain. Il est donc en soi différent de la possession et de la satisfaction retirée. Par conséquent, un fonctionnement est à fois différent de posséder les biens et de retirer une utilité de l’utilisation du bien. La thèse, c’est que les fonctionnements sont constitutifs de l’existence de la personne et que, l’évaluation de son bien-être doit nécessairement prendre la forme d’un jugement sur ses composantes.[114]
Par ailleurs, il existe dans l’approche par les « capabilités » une distinction entre «  caractéristiques personnelles et sociales. Par caractéristiques personnelles, Amartya Sen entend ce qui différencie les personnes entre elles de par leur âge, leur sexe, leur anthropométrie ou encore leur aptitude intellectuelle…Ces caractéristiques influencent la conversion des biens en fonctionnement par un individu. Les caractéristiques sociales sont les contingences sociales qui favorisent la conversion des biens en fonctionnements. Il s’agit de la nature des conventions sociales en vigueur dans la société où vit la personne ; de la position de cette personne dans cette société et dans sa famille ; de la présence ou non de cérémonies religieuses, de festivités ; de la distance physique existant entre l’individu, sa famille, ses amis et ses relations sociales. Ainsi, « l’utilisation qui sera faite des dotations de l’individu dépendra directement de sa position sociale, mais également de sa participation personnelle aux activités collectives de la société. Plus cet individu sera enclin à prendre part à la vie de sa collectivité, meilleures seront ses chances de conversion des biens en capacités puis en fonctionnements. » [115]
Remarquons que le philosophe indien ne présente pas une liste exhaustive de fonctionnement nécessaire au bien-être (voir supra). Avec son approche, la pauvreté revêt un nouveau visage. Pour certains, « être pauvre signifie ne pas réaliser les capacités fondamentales ou ne pas pouvoir avoir accès aux fonctionnements qu’ils considèrent comme absolument nécessaire à la vie (on parle alors de fonctionnements fondamentaux, centraux ou basiques). Par exemple, certains auteurs pensent que ‘’être correctement nourri’’ est plus important dans le bien-être qu’ ‘’être correctement vêtu’’ »[116] Pour Martha Nussbaum, poursuit Bertin, les fonctionnements fondamentaux sont des capacités humaines centrales de fonctionnement. Ce sont :
·         La vie : être capable d’atteindre un âge normal ;
·         La santé physique : être capable d’avoir la santé permettant de se reproduire, être capable de se nourrir décemment ;
·         L’intégrité physique : pouvoir se déplacer correctement et librement d’un endroit à l’autre, pouvoir se protéger des agressions physiques, posséder les opportunités sexuelles de pouvoir se reproduire ;
·         Les sens : l’imagination et la pensée, sens pour réaliser son bien-être, notamment grâce à l’éducation, l’instruction culturelle, religieuse ou artistique ;
·         Les émotions : être capable de s’attacher aux individus ou aux choses ;
·         La raison pratique : savoir être capable de déterminer une conception du bien ou d’engager une réflexion critique sur la manière de vivre de quelqu’un ;
·         L’affiliation : se sentir concerné par les autres, par la vie en groupe, s’engager dans des relations sociales ;
·         le respect des autres espèces qu’elles soient animales, végétales ou minérales ;
·         le contrôle sur l’environnement politique, matériel.[117]
Bref, la conception des capacités fondamentales de Martha Nussbaum correspond aux capacités innées et naturelles des individus, c’est-à-dire des caractéristiques personnelles dans le langage senien.
Les termes de fonctionnement ainsi que de caractéristique ayant été clarifiés, il nous reste maintenant d’examiner la question de la liberté comme engagement social.
II.3.3.3. De la « liberté comme engagement social »
L’approche par les « capabilités » met au centre la liberté substantielle comme fin et moyen du développement. Cependant, une question se pose dans le domaine du travail, celle de savoir s’il faut donner la priorité à l’efficacité ou aux « capabilités » pour garantir la productivité. Pour Amartya Sen, il faut accorder la priorité aux « capabilités », puisque si l’efficacité veut dire la production et l’engagement dans le travail, les gens ne peuvent produire ou s’engager s’ils ne sont pas capables de le faire. Et comme on ne peut pas responsabiliser des personnes qui ne peuvent être responsables, il s’ensuit que la responsabilité exige la liberté, la liberté de pouvoir et de vouloir. C’est dans cette optique qu’Amartya Sen souligne l’importance directe de la liberté sur le bien-être des gens et indirectement sur le changement social. C’est dans la société que se forme la liberté individuelle. Cette dernière, une fois formée, influera indirectement sur le changement de cette même société.
La notion de la responsabilité dépend de la jouissance d’un certain nombre de libertés. La liberté et la responsabilité sont interdépendantes. « Entre liberté et responsabilité, la relation fonctionne dans les deux sens. Sans la liberté substantielle, sans la capacité d’entreprendre une action, une personne ne peut être tenue pour responsable de cette action, hors de sa portée. En revanche, jouir de la capacité, de la liberté d’accomplir quelque chose, impose à l’individu le devoir de considérer s’il doit ou non passer à l’acte et cela met en jeu sa responsabilité individuelle. En ce sens, la liberté est la condition nécessaire et suffisante de la responsabilité. »[118] Par ailleurs, « si l’on admet l’importance du débat public dans la formation et l’utilisation de nos valeurs sociales (…) les droits civiques et les libertés politiques apparaissent indispensables à l’émergence des valeurs sociales. De ce fait, la liberté de participer à l’élaboration critique et au processus de formation des valeurs est l’une des libertés prééminentes de notre existence sociale. »[119]
Amartya Sen soutient ainsi le fait que la responsabilité exige la liberté. Cette responsabilité doit être formée par et dans la société. En effet, l’engagement social en faveur de la liberté ne doit pas être, selon l’auteur, seulement l’affaire de l’Etat. D’autres institutions, telles que les organisations non gouvernementales, les institutions locales, les médias et tous les moyens servant à la communication publique, ainsi que les structures qui permettent le fonctionnement du marché et les relations contractuelles, peuvent en être partie prenante.
La promotion des libertés individuelles et l’engagement social favorisent le processus de développement entendu comme épanouissement de l’homme. Sur le plan philosophique, « une approche de la justice et du développement fondée sur les libertés substantielles privilégie le rôle d’agent et les jugements émis par les individus : on ne saurait les appréhender comme des « patients » auxquels seront administrés des bienfaits, grâce au processus de développement. Les adultes responsables doivent prendre en charge leur propre bien-être, il leur revient de décider à quelles fins ils souhaitent utiliser leurs capacités. Mais les capacités dont jouit en pratique un individu (…) dépendent de la réalité sociale et de la façon dont elle permet l’expression des libertés. De ce point de vue l’Etat et la société ont des responsabilités à assumer. »[120]
Quelques exemples que donne l’auteur illustrent bien l’idée selon laquelle l’Etat et la société entière ont la responsabilité sur la formation effective de la liberté individuelle. « Là où persiste le travail servile, il est de la responsabilité de la société de mettre fin à cette situation et de créer des conditions dans lesquelles la main d’œuvre puisse librement accepter un autre emploi. De la même manière, les politiques économiques devraient inclure au rang de leurs priorités la création d’emploi sachant que les conditions d’existence élémentaires d’une immense majorité de citoyens en dépendent. Comme il va de soi, lorsque les emplois existent, les attitudes et les stratégies professionnelles de chacun relèvent alors de la responsabilité individuelle. Dans le même ordre d’idées, si l’impossibilité pour un enfant de bénéficier d’une éducation, ou pour une personne malade d’accéder à des soins mettent en cause des responsabilités sociales ; la façon dont les individus tirent part de leur formation scolaire ou de leur santé relève de leur propre choix. Notons encore que la responsabilisation des femmes, à travers l’accès à l’éducation, au travail, au droit de propriété, etc., leur donne une grande liberté et, en conséquence, augmente leur influence dans toute une répartition au sein du foyer (…) ou du taux de fertilité. L’exercice de cette plus grande liberté est là encore du ressort de chacun. »[121]
Pourquoi accorder une primauté aux libertés ? Amartya Sen pense qu’elle est à la fois un processus et une possibilité. Ces deux aspects sont les deux raisons qui justifient le primat de la liberté. Sous l’angle de processus, il soutient que la participation aux décisions politiques et aux choix sociaux est un moyen du développement en ce sens, non seulement qu’il contribue à la croissance économique, mais aussi comme constitutif des fins du développement. Sous l’angle de possibilité, il s’agit de la possibilité qu’ont les gens d’atteindre les résultats qu’ils souhaitent et qu’ils ont raison de souhaiter. Ces deux aspects (processus et possibilité) permettent, d’après le philosophe indien, à l’approche par les « capabilités » de dépasser la perspective traditionnelle du développement en termes de ‘’croissance de la production par habitant’’.
Nous ne pouvons conclure ce point sans pour autant souligner la nuance qu’Amartya Sen fait entre le capital humain et la capacité humaine. Le capital humain, en effet, privilégie la fonction d’agent des individus pour autant que celle-ci favorise les possibilités productives. Il concerne la valeur indirecte, c’est-à-dire les qualités humaines susceptibles d’être employées comme ‘’capital’’ dans la production. La capacité humaine, par contre, met l’accent sur la faculté, c’est-à-dire la liberté substantielle, qu’ont les personnes de vivre la vie qu’elles souhaitent et qu’elles ont raison de souhaiter et l’amélioration des choix à leur disposition, pour y parvenir.[122]
En définitive, remarquons qu’à travers l’approche par les « capabilités » Amartya Sen se propose de défendre une approche du développement entendu comme processus d’expansion des libertés substantielles dont les gens disposent. Il utilise la perspective des libertés à la fois dans l’analyse évaluationnelle,  comme moyen d’estimer le changement et dans l’analyse descriptive et prévisionnelle en percevant la liberté comme facteur déterminant du changement. Le développement, selon l’auteur, est un engagement qui va de pair avec la liberté.
Nous inspirant de cette approche, nous corroborons avec l’auteur l’idée selon laquelle le phénomène de la mondialisation est encore loin de garantir l’épanouissement de tout homme. Car, cette écrasante hégémonie de la culture et des modes de vie occidentaux sape les mœurs et les coutumes traditionnelles surtout des pays du Tiers-monde. Au nom de l’épanouissement de l’homme et de l’amélioration de sa qualité de vie, nous pensons qu’il est temps, et cela s’avère impérieux, de passer au crible de l’éthique ce ‘’processus d’internationalisation du commerce et de l’économie’’. C’est sur cette tentative d’une éthique économique que s’attèlera le dernier chapitre du présent travail.












TROISIÈME CHAPITRE : VERS UNE ÉTHIQUE ÉCONOMIQUE PAR LES « CAPABILITÉS »
L’évolution de la technologie s’est fondée sut le désir de l’homme de dominer la nature en vue d’améliorer son sort. Cependant, ce progrès présente encore des effets néfastes. Sur le plan humain citons la perte de l’emploi, d’où le taux élevé du chômage, etc., et au niveau environnemental : la contamination chimique des eaux, la salinisation du sol, le réchauffement climatique, etc. D’un côté, les atteintes à la nature humaine, telle que la manipulation génétique, ont motivé les hommes de science à penser une éthique de la vie appelée Bioéthique. De l’autre côté, les dérives écologiques de ce progrès telles que le pillage des réserves naturelles, la multiplication exponentielle de la population mondiale sans, malheureusement, de nourriture suffisante ; les érosions ainsi que le réchauffement climatique sont à la base du débat actuel sur le développement durable. Par développement durable, il faut entendre un développement qui permet à la génération présente de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des  générations futures à répondre aux leurs. 
 La détérioration de la qualité de vie de l’homme due à l’égoïsme capitaliste des entreprises, des institutions économiques a poussé les philosophes à penser une science capable de proposer des critères éthiques pouvant conduire les affaires. C’est l’éthique de l’économique ou éco éthique. Notre présent chapitre porte sur cette problématique en ce sens que, penser un développement qui vise l’épanouissement de tout homme suppose avant tout de revisiter les modes d’emploi de l’économie mondiale en vue d’y insérer les critères éthiques capables de régir le comportement des parties prenantes du marché. L’efficacité de celui-ci sera évaluée  à partir des critères éthiques fondés sur des principes d’économie qui favorisent la réconciliation de l’économique, du social et du culturel.
Loin de nous l’ambition de vouloir répondre à la question de savoir comment se comporter dans les affaires. Cette préoccupation relève de la compétence des sciences économiques. Notre esquisse se veut, par les « capabilités », de passer au crible de l’éthique les activités économique afin d’établir les conditions de l’amélioration de la qualité de vie de l’ « homo oeconomicus ».
Trois points vont scander notre réflexion dans ce chapitre. Le premier portera sur le fondement de l’éthique de l’économie. Le mécanisme du marché et la question des critères d’évaluation de l’efficacité y seront examinés. Le deuxième point s’attèlera à la relation entre l’économie, l’éthique et la morale. La question de différentes sortes d’économie et d’éthique y sera traitée. Parler de l’éthique économique renvoie au comportement des acteurs économiques. Ces derniers poursuivent un but qui est la croissance, par tout moyen, du profit de leurs entreprises. C’est pour cette raison que nous nous proposerons d’examiner la place qu’occupe la corruption dans les affaires. Le dernier point établira le rapport entre la  gouvernance démocratique et la croissance économique.
III.1. De l’éthique de l’économie
III.1.1. L’origine de l’économie
L’approche par les « capabilités » fait remonter la science économique à deux origines : l’une éthique, l’autre mécanique. A en croire Amartya Sen, « La tradition éthique remonte au moins à Aristote. Au tout début de sont Ethique à Nicomaque, Aristote établit un lien entre l’économie et les finalités humaines, évoquant le rapport de l’économie à la richesse. Il considère la politique comme la ‘’première des sciences’’. La politique doit utiliser ‘’les autres sciences’’, dont l’économie, et ‘’puisque, là encore, elle détermine ce que nous devons faire et ne pas faire, la fin de cette science doit inclure les finalités des autres sciences, de sorte que cette fin doit être le bien de l’homme’’ ».[123] De ce qui précède ressort l’idée que « l’éthique a comme complément naturel la politique. L’homme, étant un être social, ne trouvera son plein épanouissement que dans le milieu social. Là seulement, il pourra réaliser la vertu et le bonheur en acte »[124]. En effet, l’étude de l’économie fait appel à d’autres sciences telles que l’éthique et la politique. Alors que la science économique consiste  en la quête de la richesse, l’éthique et la politique portent sur l’évaluation et la promotion des buts les plus fondamentaux de la société. Aristote pense que la vie de l’homme d’affaires est une contrainte et la richesse ne constitue aucunement le bien qu’il recherche mais en est une chose utile, un moyen en vue d’une autre chose[125]. Ainsi l’économie se ramène à l’étude de l’éthique et de la politique. Remonter l’origine de la science économique à la tradition éthique pose deux problèmes. Le premier problème porte sur la question de la motivation humaine en rapport avec la question morale « Comment doit-on vivre ? ». Amartya Sen nomme ce problème ‘’la conception éthique de la motivation’’. Le second est celui du jugement porté sur ce qui est accompli dans la société. L’auteur appelle cette approche la ‘’conception éthique de l’accomplissement sociale’’[126]. Nous n’analyserons pas ici ces deux problèmes. Remarquons, cependant, que la première origine de la science de l’économie est liée à l’éthique et à une vision morale de la politique.
La deuxième origine est celle que l‘auteur qualifie de conception ‘’mécaniste’’ de l’économie. Celle-ci s’intéresse aux questions de logistique. Elle a pour tenants William Petty, François Quesnay, David Ricardo, Augustin Cournot et Léon Walras. Pour l’économiste et philosophe indien, la perspective ‘’mécaniste’’ se rapproche de l’étude de l’économie issue de l’analyse de l’art de gouverner vu sous son aspect des techniques à mettre en œuvre.[127] Elle remonte, poursuit-il, au premier livre écrit sous un titre ressemblant à ‘’Economie’’ l’ « Arthaçȃ » de Kautilȋya qui signifie approximativement en Sanskrit ‘’instructions sur la prospérité matérielle’’. La logistique de l’art de gouverner et notamment la politique occupe une place de choix dans ce livre.[128] Ce livre, à en croire Amartya Sen, « établit une distinction entre ‘’quatre domaines du savoir’’ qui sont : 1/ la métaphysique et 2/ la connaissance ‘’du bien et du mal’’, mais il élabore ensuite des aspects plus pratiques du savoir ayant trait à 3/ l’art de gouverner et 4/ la ‘’science de la richesse’’. Passant en revue toutes sortes de questions pratiques, telles que la construction des villages, l’organisation foncière, la collecte des impôts, la tenue des comptes, la réglementation des droits de douane, etc., mais aussi les manœuvres diplomatiques, la stratégie des Etats vulnérables, le pacte de colonisation, les méthodes pour exercer une influence au sein de l’Etat ennemi, l’emploi d’espions, la lutte contre les détournements de fonds par les fonctionnaires, et autres, l’ouvrage se concentre nettement sur les questions techniques, ‘’mécanique’’ »[129].
Les deux origines de l’économie, la tradition éthique et la conception ‘’mécaniste’’, ont chacune des mérites. Cependant, sans toutefois nier l’importance de la perspective ‘’mécaniste’’, Amartya Sen soutient que la science économique ne peut être rendue plus féconde actuellement que si l’intérêt est davantage et explicitement accordé aux considérations éthiques. Car, c’est celles-ci qui façonnent le comportement et le jugement humain.[130]
III.1.2. Débat actuel sur l’éthique économique
Dans son analyse de l’économie moderne, Amartya Sen présente la thèse selon laquelle « l’économie moderne s’est trouvée considérablement appauvrie par la distance qui a éloigné l’économie de l’éthique »[131]. En effet, la perte de l’éthique dans l’économie a affaibli celle-ci dans la mesure où il y a eu séparation entre ces deux domaines. D’où la nécessité de réinsérer dans la science purement ‘’mécaniste’’, des valeurs éthiques. Car, « il se trouve que c’est en étudiant les interdépendances complexes que le raisonnement économique, influencé par la conception mécaniste, a accompli des progrès considérables. C’est ainsi que l’éthique peut s’enrichir des raisonnements utilisés en économie »[132].
Par ailleurs, le problème de l’affaiblissement de l’économie intéresse l’UNESCO dans son programme interdisciplinaire Ethique de l’Economie. Selon Dr. Ninou Garabaghi, ce nouveau programme interdisciplinaire a été conçu et développé au titre du grand thème fédérateur ‘’Humaniser la mondialisation’’. Ce thème vise, d’après lui, à soutenir et à susciter les initiatives qui tendent à la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique des valeurs susceptibles de contribuer à l’humanisation de la mondialisation. Selon la même source, le concept d’économie éthique, fondé dans le cadre du paradigme du ‘’développement humain durable et partagé’’, se présente aujourd’hui avec pour objet la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique des règles de jeu, de principes et des normes éthiques universellement acceptables susceptibles de favoriser à moyen terme la réconciliation de l’économique, du social, de l’écologique et du culturel et à plus long terme d’assurer leur codétermination dans le processus de mondialisation.[133]
Le principe de droit inaliénable de chaque être humain à la vie fonde, selon la même source, le concept d’économie-éthique. Pour ce faire, ce concept implique trois principes d’économicité, notamment :
·         L’effet bénéfique objectivement. Il ne s’agit pas de décider ce qui est bon pour les êtres humains mais de les mettre en situation de pouvoir décider sur base des savoirs disponibles de ce qui est bon pour eux ;
·         L’exclusion de toute destruction de services et de biens, produits par les cultures et/ou dons de la nature, propres à des effets bénéfiques pour les êtres humains. Ceci suppose la préservation de l’environnement dont dépend l’existence de tous les êtres et le respect et la promotion de la diversité culturelle;
·         Le plein développement multidimensionnel de chaque être humain. Ce qui implique l’obligation prioritaire de la couverture des coûts de statut humain de la vie.[134]
Remarquons pour conclure ce point qu’il a été question de l’origine de l’économie et du débat actuel sur l’éthique de l’économie. Nous nous tournons à présent, vers l’analyse du mécanisme du marché et vers les critères pour en évaluer l’efficacité.
III.1.3. Du mécanisme de marché
Le mot marché renferme plusieurs significations. Premièrement, il désigne cet espace public où se font des échanges et des transactions commerciales. Sous cet angle, le marché peut être un lieu public bien précis, tel qu’une ville, un pays où se font des transactions avec les nations étrangères. Deuxièmement, le marché est une convention qui se passe entre un vendeur et un acheteur. Troisièmement, par marché il faut entendre cet état de l’offre et de la demande. Ainsi parle-t-on, par exemple, d’un marché actif.[135]
Classiquement le marché est un lieu d’achat et de vente de tous les biens. Ainsi défini, le marché met de côté des biens non vendables tels que l’environnement, la santé, l’éducation, etc. c’est pour cette raison qu’Amartya Sen ne la partage pas totalement. Entendre le marché comme lieu d’achat et de vente signifie que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt social. D’où le rôle de l’Etat de maintenir les biens publics (environnement, etc.) et de les protéger contre toute volonté individuelle. Dans cette perspective, l’auteur propose à l’Etat le devoir d’inciter et de financer le social pour lutter contre la détérioration des capacités.
Par mécanisme de marché, il faut entendre tout ce qui entre en jeu dans les échanges et transactions commerciales qui peut favoriser un travail libre et contractuel ou un travail servile, selon qu’il s’agit du type de marchés concurrentiels ou monopolitiques. L’auteur entend par ce terme, « un dispositif interactif qui permet aux hommes d’entreprendre des activités mutuellement avantageuses »[136]. Les concepts de marché et du mécanisme étant ainsi définis, il est maintenant important d’en examiner le rôle.
III.1.3.1. Rôle du mécanisme de marché
L’auteur reconnaît la contribution du mécanisme du marché à la croissance et au progrès économique dans les études consacrées au développement. Cependant, il croit qu’il serait erroné d’appréhender ce mécanisme par ses seules conséquences. Pour lui, le fait de contribuer de façon significative à la croissance économique est un aspect secondaire du marché, dès lors qu’on reconnaît et qu’on admet l’importance directe de la liberté d’échanger des mots, des  biens ou des cadeaux[137]. Aussi soutient-il que maintenir les gens dans une situation de sujétion et d’asservissement c’est leur refuser la liberté de participer au marché du travail. Ainsi fustige-t-il le maintien du travail servile dans de nombreux pays du Tiers-Monde. En effet, pour lui, « la liberté d’entrer sur le marché contribue au développement, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur le rôle du mécanisme de marché dans la croissance économique ou l’industrialisation »[138].
La libre participation aux échanges économiques constitue, d’après l’auteur, un rôle fondamental dans la vie sociale. Le rapport entre mécanisme de marché et liberté pose deux problèmes majeurs, deux entraves aux libertés. La première forme d’atteinte aux libertés est la restriction des possibilités de transactions au travers de contrôles arbitraires. « Les gens se trouvent alors empêchés de réaliser les transactions simples, légitimes et habituelles auxquelles ils s’adonneraient en l’absence de raisons majeures pour agir autrement »[139]. Pour résoudre ce problème, la liberté des échanges et de transactions s’avère nécessaire. La seconde forme d’atteinte aux libertés est l’absence du marché, source des limitations imposées au mécanisme de marché. Ces obstacles arbitraires peuvent conduire à une restriction des libertés. Dénier les opportunités économiques, c’est-à-dire les opportunités offertes par l’existence du marché, constitue un déni de libertés.[140]
De ces deux problèmes ressort un contraste qu’il convient de souligner. D’un côté, l’idée selon laquelle le marché peut servir d’accélérateur à la croissance économique et à l’amélioration des conditions de vie. De l’autre côté, l’idée selon laquelle « les politiques publiques qui brident le fonctionnement du marché nuisent à la prospérité économique et ont souvent pour effet de restreindre l’expansion des libertés substantielles »[141]. Dans quelles circonstances le marché peut-il favoriser la croissance économique et à quel moment peut-il nuire à la prospérité économique ? Pour répondre à cette question, l’économiste et philosophe indien distingue deux situations dans lesquelles peut se trouver un marché. Il s’agit d’une part, de la situation où le marché est fondé sur le libre arbitre. Dans ce cas, les acteurs agissent comme ils l’entendent, en décidant ce qu’ils vont produire et consommer, où ils vont travailler. Ainsi, « une personne produit les mêmes biens pour un même travail, reçoit les mêmes revenus et consomme dans les mêmes termes »[142]. D’autre part, c’est quand le marché est fondé sur l’obéissance à un ordre dictatorial. Il s’agit ici d’un système centralisé, aux ordres d’un dictateur qui parvient à centraliser toutes les décisions des acteurs, concernant la production et la distribution. Ce dernier cas ne favorise pas, d’après Amartya Sen, l’épanouissement de l’homme économique. Il restreint sa liberté d’échange. Rationnellement, les individus préféreront le marché fondé sur le libre arbitre à celui fondé sur la soumission. Cette préférence peut s’expliquer par la distinction qu’il fait entre résultats agrégatifs et résultats compréhensifs. Par résultats agrégatifs, il entend des résultats finaux sans tenir compte des processus qui y conduisent, parmi lesquels l’exercice de la liberté. Par résultats compréhensifs, il entend les résultats qui prennent en compte le processus à travers lequel ont été obtenus les résultats agrégatifs. L’approche du développement comme liberté soutient le marché fondé sur le libre arbitre puisqu’il concoure à l’épanouissement de l’homme.
Par ailleurs, l’auteur remarque que la théorie économique du marché, en centrant sa réflexion sur les produits, laisse de côté la notion de liberté, qui est l’une de ses valeurs centrales. Cette liberté du marché du travail peut être entravée par des lois, des règlements ou par la tradition. « Nous avons de bonnes raisons d’acheter, de vendre, d’échanger, et de conduire notre vie sur un mode qui exige l’existence de transactions. Un déni de liberté sur ce terrain constituerait, en soi, un grave échec pour la société. »[143]
La liberté de marché en général, et celle de l’emploi en particulier constituent une étape cruciale du développement. Amartya Sen en donne quatre exemples pour prouver cette idée. Le premier exemple est celui de l’existence en Asie et en Afrique des formes diverses de travail servile et le fait que le droit essentiel à la libre recherche d’un emploi salarié hors du contrôle des maîtres traditionnels s’y trouve en permanence bafoué. Pour ce faire, il arrive que les propriétaires de caste supérieure du Bihar, l’un des Etats les plus arriérés de l’Inde, terrorisent par le meurtre et par le viol les familles ‘’attachées’’ à leur terre.[144]Seules les pressions de la presse, poursuit-il, ne peuvent y mettre fin. Encore faut-il « imposer la liberté d’emploi et de reconsidérer la propriété de cette terre à laquelle ces ouvriers sont rivés contre leur gré ».[145]
Le deuxième exemple que donne l’économiste et économiste indien porte sur l’échec du socialisme bureaucratique en Europe de l’Est et en Union soviétique. A l’en croire :
« Si l’on s’en tient aux données économiques brutes, qu’il s’agisse des revenus ou de l’espérance de vie, sa faillite est incompréhensible. En termes d’espérance de vie, par exemple, les pays communistes ont souvent obtenu d’excellents résultats, les statistiques démographiques (vérifiées) de l’Union soviétique,  de la Chine avant les réformes de 1979, du Vietnam et de Cuba le prouvent. De ce pont de vue, on enregistre même une détérioration dans certains de ces pays au cours de la dernière décennie, en Russie, en particulier, où l’espérance de vie à la naissance est tombée à environ 58 ans pour les hommes, un chiffre de loin inférieur à ceux de l’Inde et du Pakistan. Les résultats électoraux montrent pourtant que la population ne souhaite pas revenir à l’ancien système. Même les partis héritiers de l’ancien ordre se gardent de réclamer une véritable restauration et ne revendiquent des retours en arrière que très partiels. Si l’on veut tirer le bilan de ces évolutions, on doit prendre en compte l’inefficacité économique du communisme. Mais ce facteur n’explique pas tout. L’échec est dû aussi au déni de liberté dans un système dont les marchés étaient bannis. Et même dans les secteurs où ils existaient, leur accès pouvait être interdit à certains. Il arrivait ainsi que des gens postulant pour un emploi soient exclus du processus de recrutement (ou que des indésirables soient contraints d’aller travailler là où leur employeur décidait de les envoyer) ».[146]
Le troisième problème est celui de la question dramatique du travail des enfants. Pour Amartya Sen, cette problématique « entretient des relations étroites avec l’esclavage et le servage puisqu’une grande partie des enfants sont astreints par la force à exécuter des tâches épuisantes. Leur condition a pour cause la pauvreté des familles. Il n’est pas rare que les parents soient eux-mêmes tenus dans les relations de servitude vis-à-vis de leurs employeurs, même si l’on ne peut ignorer une autre dimension de cette sinistre réalité, c’est-à-dire la barbarie qui consiste à forcer des enfants à accomplir tel ou tel ordre. Dans les régions concernées (…), la liberté de s’instruire est limitée  non seulement par la faiblesse des structures scolaires élémentaires mais aussi par l’impossibilité dans laquelle ces enfants, et souvent leurs parents, se trouvent de choisir ce qu’ils souhaitent faire »[147].
Le dernier exemple implique la question de la liberté pour les femmes de travailler en dehors du cadre familial. Cette question fait couler de l’encre et occupe une place cruciale dans beaucoup de pays du Tiers-Monde. En effet, « partout où cette possibilité est déniée, il s’agit d’une violation grave de la liberté des femmes et de l’égalité entre les sexes. C’est un obstacle à leur responsabilisation économique dont les conséquences négatives sont multiples »[148].  Aussi, poursuit Amartya Sen, « l’entrée sur le marché du travail contribue non seulement à leur indépendance économique, mais il a aussi pour effet de procurer aux femmes une meilleure part dans la répartition du revenu au sein du foyer »[149]. L’auteur rappelle que « le travail domestique, si éreintant soit-il, est rarement respecté ou même reconnu, et jamais rémunéré »[150]. D’où le fait de priver le droit de travail hors du foyer constitue une plus grave atteinte à la liberté des femmes. Ce déni de liberté se traduit de plusieurs manières. Il peut se faire par des moyens brutaux. On impose ou on interdit formellement aux femmes de travailler hors de leur foyer. Dans beaucoup de cas, cette interdiction s’exerce par des voies tacites de la convention et du conformisme. « Il se peut encore qu’en l’absence de tout interdit formel, les femmes élevées dans les valeurs traditionnelles se montrent elles-mêmes réticentes à rompre avec la tradition et craignent de choquer. Les notions de ‘’normalité’’ et de ‘’convenances’’ jouent un rôle central »[151].
Pour répondre à tous ces problèmes liés à l’absence de la liberté d’emploi, l’auteur propose, d’une part, l’importance des transactions et du droit à la participation économique incluant le droit à la libre recherche d’un emploi, d’autre part, l’importance directe des libertés au marché, telles que la liberté de réaliser et la liberté de transaction.[152]
III.1.3.2. Limites du mécanisme de marché
Le mécanisme de marché pose deux limites majeures. D’un côté, il crée l’inégalité des revenus et l’inégalité de la distribution des libertés substantielles des capacités. De l’autre côté, il pose le problème d’équité des productions du marché et dans la distribution des libertés. Le problème d’inégalité et des libertés s’aggrave, selon l’auteur, à partir du moment où l’attention se déplace de l’inégalité des revenus vers l’inégalité dans la distribution des libertés substantielles et des « capabilités ».[153] Ceci s’explique par ce qu’il nomme ‘’couplage’’ de l’inégalité par des revenus, d’une part, et l’inégalité des avantages dans la conversion des revenus en « capabilités », d’autre part.[154] Cette inégalité rend la question de l’inégalité de revenus plus complexe. Pour ce faire, « une personne malade ou âgée ou affectée d’un autre handicap aura, d’une part, du mal à gagner un revenu décent, et, d’autre part, plus de difficultés à convertir ce revenu en capacités et en confort de vie. Un facteur susceptible d’empêcher quelqu’un d’obtenir un bon travail et un revenu correct (l’infirmité, par exemple) sera aussi susceptible d’empêcher cette personne de jouir d’une bonne qualité de vie, même à travail et à revenu égal »[155].
Le second problème, celui de l’équité dans la distribution des revenus du marché, semble, d’après l’auteur, trouver des solutions, sous certains cieux, quand il touche particulièrement un contexte de privations graves et de pauvreté. Il s’agit ici du rôle que jouent le soutien gouvernemental et l’intervention sociale. En effet, « pour une bonne part, la sécurité sociale de l’Etat-providence remplit ce rôle, par la couverture médicale, l’aide publique aux chômeurs et aux pauvres, etc. »[156]. Au fait, les problèmes que pose le marché ne sont pas, pour l’auteur, dûs au marché lui-même. Ils ont d’autres sources telles que le manque de préparation dans l’utilisation des transactions du marché, la dissimulation volontaire d’information et l’absence de régulation sur les opérations permettant aux plus puissants de tirer parti des avantages asymétriques dont ils jouissent, etc.[157] La solution aux problèmes du marché ne peuvent pas être résolu en le bannissant. Amartya Sen insiste à ce propos qu’ « on ne règle pas ce problème en supprimant les marchés, mais en leur permettant de fonctionner mieux et de façon plus équitable. Les résultats du marché sont tributaires de son encadrement politique et social »[158].
Etant donné que le fonctionnement du marché n’est pas à mesure de résoudre tous les problèmes qui surgissent en son sein, les pouvoirs du mécanisme de marché doivent, selon Amartya Sen, être complétés par la création d’opportunités sociales élémentaires qui favorisent l’équité et la justice sociale. Les opportunités sociales élémentaires favorisant l’équité et la justice sociale comprennent l’éducation, les services médicaux, la disponibilité des ressources (foncières, par exemple) pouvant être vitales à certaines activités telles que l’agriculture. La mise en place de ces conditions exigent des politiques publiques appropriées telles que le système scolaire, la couverture médicale, la réforme foncière.
Quoi qu’il en soit, Amartya Sen reconnaît que le marché peut servir d’accélérateur à la croissance économique et à l’amélioration des conditions de vie. Cependant, à l’en croire, « les politiques publiques qui brident le fonctionnement du marché nuisent à la prospérité économique et ont souvent pour effet de restreindre l’expansion des libertés substantielles»[159].
Précisons deux éléments importants. En premier lieu, il sied de remarquer que le mécanisme de marché ne concerne pas les biens publics tels que l’environnement, mais il porte sur des biens privés, les biens et services échangeables. En second lieu, Le terme d'économie de marché désigne un système économique où les décisions de produire, d'échanger et d'allouer des biens et services rares sont déterminées majoritairement à l'aide d'informations résultant de la confrontation de l'offre et de la demande établie par le libre jeu du marché. Confrontation qui détermine les informations de prix, mais aussi de qualité, de disponibilité.[160]
III.1.4. Critères d’évaluation de l’efficacité du marché
Il sera ici question de l’analyse des principes qui fondent les échanges économiques et qui servent à en évaluer l’efficacité, et par conséquent, constituent les critères d’évaluation de la justice sociale. Deux principes attirent ici notre attention. Il s’agit de l’Optimum de Pareto et du Maximin.
III.1.4.1. Optimum de Pareto
En économie, l’Optimum de Pareto, nommé d'après l'économiste italien Vilfredo Pareto, est un état de la société dans lequel on ne peut pas améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre.[161]Appelé autrement ‘’Théorème d’Arrow-Debreu’’, en référence aux auteurs qui l’ont formulé, il revêt, selon Amartya Sen, une réelle importance ; car, dans certaines conditions, les résultats du mécanisme du marché ne sont pas perfectibles de façon que l’utilité de chacun pourrait s’en trouver augmentée (ou que l’utilité de certains puisse être augmentée sans que celle de quelqu’un d’autre puisse s’en trouver diminuée). D’où la question de savoir si l’efficacité recherchée ne devrait pas être comptabilisée en termes de libertés individuelles plutôt que d’utilités.[162]Ainsi Amartya Sen critique ce principe par le fait qu’il évalue l’efficacité en termes d’utilités plutôt qu’en termes de libertés individuelles. Il établit un rapport entre liberté et efficacité. A l’en croire, « lorsque les individus sont à même d’exercer un choix intelligent, l’efficacité en termes d’utilités individuelles doit, dans une large mesure, se greffer sur l’offre de possibilité de choisir. Ces possibilités concernent non seulement ce que les gens choisissent (et l’utilité qu’ils réalisent) mais aussi l’ensemble des options utiles dont ils disposent (et les libertés substantielles dont ils jouissent ».[163]
Par ailleurs, la notion d'Optimum de Pareto permet de diviser en deux l'ensemble des états possibles de la société. On peut ainsi distinguer :
  • ceux qui sont uniformément améliorables : il est possible d'augmenter le bien-être de certains individus sans réduire celui des autres ;
  • ceux qui ne sont pas uniformément améliorables : l'augmentation du bien-être de certains individus implique la réduction du bien-être d'au moins un autre individu.
Ce sont les états entrant dans ce deuxième cas de figure que l'on désigne comme optimaux au sens de Pareto, ou Pareto-optimaux.[164]
De nombreux états possibles de la société sont également des optima de Pareto. La notion d'Optimum de Pareto ne permet donc pas de les comparer : pour savoir lesquels sont les plus justes ou souhaitables, il est nécessaire de faire appel à d'autres critères d'évaluation, d'un point de vue qualitatif ou quantitatif.
Pour cette raison, une situation d’optimalité « au sens de Pareto » n’est pas nécessairement une situation socialement "juste". Pour prendre un exemple extrême, une société où toutes les richesses appartiennent à un seul homme est un Optimum de Pareto, car transférer une partie de ses richesses à d’autres personnes réduirait le bien-être d’au moins un individu. Par ailleurs, dans cette même situation, s’il devient possible de faire des changements qui augmenteraient le stock total de richesses de la société sans retirer de capital à cet homme, alors la situation n'est plus Pareto-optimale. Toujours dans cette même situation, attribuer un accroissement de capital dans la société à cet homme-là uniquement (au lieu de l'attribuer à ceux qui n'ont rien) recrée un Optimum de Pareto.
Il convient donc d’employer une terminologie rigoureuse et de parler d'état efficace « au sens de Pareto ». Un optimum de Pareto est une notion minimale de mesure d'efficacité; elle permet dans certains cas de donner une indication sur la direction générale de mesures à prendre, ou d'éviter de grossières erreurs de décision. Quel rapport peut-on établir entre le critère de Pareto et le critère utilitariste ?
En cela, la notion d'Optimum de Pareto est à distinguer du critère utilitariste de comparaison des états possibles de la société. Ce critère, aussi appelé principe du plus grand bonheur, prend en effet en considération le "bonheur global" de la société, conçu comme une mesure globale du bien-être de tous les individus, et déclare qu'un état de la société est moralement préférable à un autre si son bonheur global est plus grand que le bonheur global dans le second état de société. Il existe bien sûr une infinité de façons d'évaluer ce bonheur global (via une fonction d'évaluation), suivant les éléments qu'on prend en compte et le poids qu'on leur accorde.
Le critère de l’Optimum de Pareto et le critère utilitariste sont compatibles, au sens où si un état A est plus efficace qu'un état B au sens de Pareto, alors il l'est aussi au sens utilitaire. En effet, le bien-être de chaque individu étant au moins aussi grand en A qu'en B, c'est a fortiori vrai pour le bien-être total des individus; ceci traduit juste la banalité arithmétique: si X≥x et Y≥y, alors X+Y≥x+y — en termes plus formels : l'utilitarisme est une extension linéaire de l'ordre partiel de Pareto.
Le critère utilitariste a l'avantage sur le critère de Pareto de permettre de toujours comparer deux états, car il mesure la "qualité" d'un état par un nombre réel représentant le bien-être total (or deux nombres réels peuvent toujours être comparés).
Cet avantage du critère utilitariste a une contrepartie : alors que tout le monde peut raisonnablement s'accorder sur le fait que si un état A est plus efficace qu'un état B au sens de Pareto, alors il est préférable absolument (puisque tout le monde va au moins aussi bien en A qu'en B), ce n'est plus si évident pour le critère utilitariste : l'état A peut être préférable à B même si certains individus ont un bien-être supérieur en B qu'en A, ceci parce que cette baisse de bien-être de certains est plus que compensée, dans l'évaluation globale des bien-être de tous les individus, par l'accroissement du bien-être d'autres.
De façon plus imagée, en assimilant simplement le bien-être d'un travailleur au montant de sa paie, et le bonheur global à la somme de ces montants :
  • Payer tous les travailleurs 10 euros de plus conduit à un état plus efficace, que ce soit au sens de Pareto ou utilitaire; et cela ne fera sans doute pas de mécontents ;
  • Payer 100 euros de moins 10 % des travailleurs et 15 euros de plus les 90 % restants conduit a un état plus efficace au sens utilitaire (car 15 × 90 > 100 × 10) ; mais cela fera sans doute des mécontents. Ce nouvel état est incomparable au sens de Pareto avec le précédent.
Ceci provient tout simplement du fait qu'il existe de nombreux critères permettant d'évaluer le bonheur global dans différentes situations --réelles ou hypothétiques, et donc de prendre des décisions politiques: le choix de tel ou tel critère ou le poids qu'on lui accorde est un choix moral qui fait, fatalement, des mécontents.
Un autre exemple notable du critère compatible avec celui de Pareto est de mesurer le bien-être d'une population au bien-être de ses individus les plus "malheureux".
À remarquer qu'il existe aussi des critères non compatibles avec l’Optimum de Pareto, qui peuvent cependant être trouvés plus « justes » par certains. C'est, par exemple, le cas d'un critère égalitariste qui mesurerait le bien-être d'une population par l'écart moyen des bien-être de ses individus: selon ce critère, un état où 10 % des individus possèdent 90 % des richesses serait moins souhaitable qu'un état où chacun possède approximativement la même part de richesse, même si la richesse totale dans le premier cas est bien supérieure à celle du second cas.[165]
S’agissant de l’efficacité économique, Amartya Sen soutient que seul le critère d’Optimum de Pareto a survécu dans le développement de l’opposition à l’éthique et le renoncement aux comparaisons interpersonnelles d’utilité dans l’économie du bien-être. En effet, un état social est défini comme optimal au sens de Pareto si et seulement s’il est impossible d’accroître l’utilité d’une personne sans réduire celle d’une autre personne. Pour Amartya Sen, il s’agit là d’une réussite très limitée, qui ne garantit pas nécessairement, par elle-même, d’excellents résultats. Pour un état peut être optimal au sens de Pareto même si certains individus sont extrêmement pauvres et d’autres immensément riches. « L’Optimum de Pareto est parfois dénommé aussi « efficacité économique ». Cet usage est approprié pour certains points de vue, dans la mesure où l’optimum de Pareto s’intéresse uniquement à l’efficacité dans l’espace des utilités et n’accorde aucune attention aux questions de répartition de l’utilité. Cependant, d’un autre point de vue, le choix de ce terme d’efficacité est malheureux, car l’analyse reste exclusivement centrée sur l’utilité, héritage de l’ancienne tradition utilitariste. Il est bien sûr possible d’introduire d’autres considérations dans l’évaluation de la réussite des personnes et donc de la société ».[166] Qu’en est-il du critère dit ‘’maximum minimum’’ ou Maximin?
III.1.4.2. Le Maximin[167]
La notion de “maximin” apparaît dans la Théorie de la Justice de John Rawls. Celui-ci n’est pas économiste mais théoricien du politique, et en particulier de la justice sociale. Il pense qu’on a besoin d’un ensemble de principes pour choisir entre les différentes organisations sociales celles qui déterminent la répartition des avantages, afin de conclure un accord sur une distribution correcte des parts. Dans la Théorie de la Justice, sa démarche est de répondre à la question plus précise de savoir quels sont les principes mêmes que des personnes libres et rationnelles, désireuses de favoriser leurs propres intérêts, et placées dans une position initiale d’égalité (position originaire), accepteraient et qui, selon elles, définiraient les termes fondamentaux de leur association », par exemple, la manière dont l’Etat gère les impôts, les services et les subventions publiques etc. Ces principes sont présentés dans Théorie de la justice comme suit :
« En premier lieu : chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base égales pour tous qui soit compatible avec le même système pour les autres. En second lieu : les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois, (a) l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient à l’avantage de chacun et (b) qu’elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous»[168].  Appliqués à la société bien ordonnée, ces principes commandent l’attribution des droits et des devoirs, et déterminent la répartition des avantages économiques et sociaux.
Dans le Libéralisme politique, par ailleurs, l’énoncé de ces principes diffère de celui que nous avons présenté ci-haut. C’est pour répondre aux objections d’autres penseurs que John Rawls essayera de reformuler celui-là. Cette reformulation est libellée de la manière suivante :
« 1) Chaque personne a un droit égal à un schème pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec un même schème de libertés pour tous ; et dans ce schème, la juste valeur des libertés politiques égales, et de celles-là seulement, doit être garantie. 2) Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions :
-  elles doivent être liées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous dans des conditions d’égalité équitable des chances, et
- elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société ».[169]
Au fait John Rawls ne refuse pas l’existence des inégalités socio-économiques. Elles peuvent se justifier, selon lui, à condition qu’elles résultent d’une juste égalité des chances (droits égaux, formation d’égal niveau, etc.) et qu’elles améliorent la condition des plus défavorisés. Par exemple, selon ce principe, si une amélioration de la productivité profite à un entrepreneur (socialement déjà favorisé), et, si elle a aussi des conséquences positives sur les avantages des plus défavorisés (les travailleurs non qualifiés, par exemple), alors la nouvelle répartition est considérée comme juste.[170]
III.2. Rapport entre économie, éthique et morale
 Ce point portera sur la définition des concepts d’économie, d’éthique et de morale. Il en établira le rapport et en donnera les différentes acceptions. De prime abord, soulignons que, comme notre travail s’inscrit dans la philosophie morale, il nous paraît judicieux de lancer le fondement philosophique de ce débat en établissant la distinction faite par Paul Ricœur et Emmanuel Kant entre le concept d’éthique et de morale.[171] Pour le premier, l’éthique est d’origine grecque et désigne les mœurs. Elle concerne une conduite qui vise ce qui est estimé bon. Elle est un héritage d’Aristote à cause de sa perspective téléologique. Elle cherche à déterminer les arguments pour et contre d’une action pour permettre au sujet de faire le choix et d’être conséquent. Elle détermine les orientations réfléchies et correctes. Par contre, la morale est d’origine latine. Elle signifie ‘’mœurs’’. Elle concerne une conduite qui s’impose comme obligatoire. Il s’agit d’une norme ou interdiction. La morale est un héritage d’Emmanuel Kant à cause de sa perspective déontologique. Elle se présente comme un ensemble de règles d’action et de valeurs qui fonctionnent comme de normes dans la société. La morale prescrit, ordonne et commande ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Par ailleurs, pour le philosophe de Königsberg, l’éthique se présente comme un impératif hypothétique, c’est-à-dire impose des conditions pour agir. Elle peut être relativiste. La morale, en revanche, se présente comme un impératif catégorique. Ainsi est-elle dogmatique parce que le bien et le mal demeurent invariables dans le temps et l’espace.
III.2.1. Définition de l’économie
Amartya Sen ne donne pas clairement la définition de l’économie. Il fait remarquer seulement que la séparation entre éthique et économie a entraîné l’appauvrissement de la science économique. Aussi s’évertue-t-il à chercher comment réconcilier ces deux domaines. C’est pour cette raison que nous faisons recours à d’autres sources webographiques pour mener au bout notre entreprise.
En effet, le mot «économie » vient du grec ancien « οἰκονομία / oikonomía » qui signifie : « administration d'un foyer ». L’économie  est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. Cependant, ce mot peut avoir plusieurs significations selon le contexte.[172] L’économie est le concept étudié par les sciences économiques, celles-ci prenant appui sur des théories économiques, et sur la gestion pour sa mise en pratique. Le terme d'« économie », au sens uniquement d'économie politique, a été popularisé par les économistes néoclassiques comme Alfred Marshall. Le mot « économie » devient alors, de façon concise, synonyme de « science économique » et peut être considéré comme substitut de l'expression « économie politique ». Cela correspond à l'influence notable des méthodes mathématiques utilisées dans le domaine des sciences naturelles.
Dans le sens large, on parle de l'économie comme de la situation économique d'un pays ou d’une zone, c'est-à-dire de sa position conjoncturelle (par rapport aux cycles économiques) ou structurelle. Dans ce sens, l'économie est donc un quasi-synonyme à la fois de système et de régime. Enfin, de manière générale, en français, on parle d'économie comme synonyme de réduction de dépense ou d'épargne. L'économie peut, en effet, être le résultat d'une organisation interne plus efficiente : on parle alors d'économie interne. La baisse du coût moyen due à l'augmentation de la dimension de l'entreprise constitue une économie d'échelle ou économie de dimension. L'économie peut résulter d'un phénomène extérieur au pouvoir de décision de l'agent : on parle alors d'économie externe ou externalités qui peuvent être soit positives, si elles apportent un plus aux agents économiques, soit négatives, dans le cas contraire.
Dans le sens moderne du terme, l’économie commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. Actuellement, l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc. l’économie s’applique à plusieurs domaines.
On distingue plusieurs sortes d’économie. Premièrement, l’économie internationale. Elle porte sur les relations commerciales et économiques entre pays.  Deuxièmement la finance. Elle désigne les méthodes et les institutions qui permettent aux entreprises et aux particuliers d'obtenir les capitaux nécessaires et aux épargnants de placer leurs capitaux. La finance comprend plusieurs volets dont:
Troisièmement léconomie du développement. Il s’agit d’une branche de l'économie qui applique des techniques modernes de l’analyse macroéconomique et microéconomique à l’étude des problèmes économiques, sociaux, environnementaux et institutionnels que rencontrent les pays dits en développement. Elle s'intéresse aux déterminants de la pauvreté et du sous-développement ainsi qu'aux politiques à mettre en œuvre pour sortir les pays en développement de leur sous-développement.
Quatrièmement l'économie du travail. Elle  analyse le fonctionnement du marché du travail défini comme le lieu de rencontre des travailleurs et des employeurs. Dans le cadre d'une économie capitaliste, les « offreurs » de force de travail sont les travailleurs et les demandeurs sont les employeurs. L'économie du travail cherche à analyser la fixation des salaires, le taux d'emploi et le chômage, et permet de déterminer les meilleures politiques de l'emploi à mettre en place. Il y a deux approches possibles pour étudier le marché du travail. L'économie du travail peut être analysée à l'aide des techniques microéconomiques ou macroéconomiques. Les techniques macroéconomiques s'intéressent aux interactions entre le marché du travail et les autres marchés (biens, monnaie, commerce international). Il s'agit de savoir comment ces interactions influencent les variables macroéconomiques telles que le niveau de chômage, le taux de participation au marché du travail, le revenu agrégé et le produit intérieur brut.
Cinquièmement l’économie de l'environnement. Elle concerne le développement durable. En effet, le développement durable vise à instaurer des normes qui permettent de satisfaire les besoins humains tout en préservant l'environnement non seulement pour le présent mais également pour le futur. Le terme a été utilisé par le rapport Brundtland qui lui a donné sa légitimité et sa signification de développement économique qui « satisfait les besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures ».
Sixièmement l’économie de la culture. Elle s'intéresse aux aspects économiques de la création, de la distribution et de la consommation d'œuvres d'art. Longtemps cantonné aux beaux-arts, aux spectacles vivants et au patrimoine historique dans la tradition anglo-saxonne, son spectre s'est élargi depuis le début des années 1980 à l'étude des particularités des industries culturelles (cinéma, édition de livres ou de musique) ainsi qu'à l'économie des institutions culturelles (musées, bibliothèques, monuments historiques). 
La délimitation de l'économie de la culture pose le même problème que la délimitation de la culture elle-même. Le cœur de l'économie de la culture, et historiquement son premier domaine, est donc l'étude des beaux-arts et des spectacles vivants (théâtre, opéra).[173]
III.2.2. Définition de l’éthique[174]
Etymologiquement le mot ‘’éthique’’ vient du  grec « ηθική [επιστήμη] » qui veut dire « la science morale », de « ήθος » (« ethos ») qui signifie « lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l'âme, disposition psychique » et du latin « ethicus », la morale. L’éthique est une discipline philosophique pratique (action) et normative (règles) dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure.
Il existe différentes formes d’éthique qui se distinguent par leur degré de généralité (l’éthique appliquée par exemple ne possède pas le degré de généralité de l’éthique générale). Elles se distinguent aussi par leur objet (comme la bioéthique, l’éthique de l'environnement, éthique des affaires ou l’éthique de l'informatique), ou par leur fondement culturel (qui peut être l’habitat, la religion, la tradition propre à un pays, à un groupe social ou un système idéologique). Dans tous les cas, l’éthique vise à répondre à la question « Comment agir au mieux ? ». L'éthique a les deux pieds dans le réel : il ne s'agit pas d'un ensemble de concepts abstraits. Cette notion est empreinte de nuances : rien n’est noir ni blanc. Il faut savoir nuancer les couleurs.

III.2.3. Rapport entre éthique, morale et économie
L’éthique générale établit les critères pour agir librement dans une situation pratique et faire le choix d'un comportement dans le respect de soi-même et d'autrui.[175] La finalité de l'éthique fait donc d’elle-même une activité pratique. Il ne s’agit pas d’acquérir un savoir pour lui-même, mais d'agir avec la conscience d’une action sociétale responsable. Elle est considérée de nos jours, comme la discipline au fondement de l’éthique appliquée, de l’éthique individuelle, de l’éthique sociale et des différentes formes d'éthiques spécialisées qui se confrontent aux problèmes normatifs de leur domaine particulier. L’éthique vient répondre aux problèmes liés aux caractères particuliers des situations.
En effet, les rapports entre morale et éthique sont délicats, car la distinction entre ces deux termes eux-mêmes est différente selon les penseurs. Dans un sens « ordinaire», le terme éthique est synonyme de morale, et désigne une pratique ayant pour objectif de déterminer une manière conforme de vivre dans un habitat en correspondant aux fins ou aux rôles de la vie de l'être humain (exemple : recherche du bonheur ou de la vertu).
Une distinction courante consiste à entendre par « morale » l’ensemble des normes propres à un individu, à un groupe social ou à un peuple, à un moment précis de son histoire et à appeler éthique la recherche du bien par un raisonnement conscient. Durant l'époque moderne, le terme « éthique » est généralement employé pour qualifier des réflexions théoriques portant sur la valeur des pratiques et sur les conditions de ces pratiques ; l’éthique est aussi un raisonnement critique sur la moralité des actions. Il est, par exemple, question de « comité d’éthique » au sein d’institutions scientifiques ou d’hôpitaux. L’éthique aurait donc ses fondements dans une décision dite rationnelle prise à partir d’un libre dialogue entre des individus conscients des savoirs et de cultures parfois riches de traditions et de codes idéologiques assimilés.
La morale est ainsi généralement rattachée à une tradition historique et parfois idéaliste (de type kantien) qui distingue entre ce qui est et ce qui doit être, selon le dogme. Alors que l’éthique est liée à une tradition contemporaine et parfois matérialiste (de type spinoziste) qui cherche seulement à améliorer la perception de la réalité par une attitude « raisonnable » dans la recherche du bonheur pour tous. Ainsi, le droit se distingue de la morale et de l’éthique, dans le sens qu'il ne définit pas la valeur des actes, le bien/mal, le bon ou le mauvais. Il définit toutefois ce qui est permis et défendu par les pouvoirs d'une culture, dans une société humaine. La déontologie est, pour sa part, l’ensemble des obligations que les professionnels s’engagent à respecter pour garantir une pratique conforme au code d’éthique de la profession.
Par ailleurs, Monique Canto-Sperber, dans son Dictionnaire d’éthique et de Philosophie morale, aborde cette question d’éco-éthique.  Il soutient l’idée selon laquelle l’éthique économique est une discipline ancienne. Cela se justifie par le fait que les activités économiques, notamment la production, la distribution et la consommation des biens et des services sont  aussi vieilles que l’histoire de l’humanité. L’éthique se veut ainsi une réflexion sur ce qu’on doit faire sur le plan individuel ou collectif. Il est donc clair que l’éthique économique est une science ancienne. Pour illustrer ce propos Monique Canto-Sperber se fonde sur l’existence dans la pensée occidentale, notamment dans la scolastique et dans l’idéalisme allemand, des concepts relativement conçus par Platon et Aristote. Il reconnaît, cependant,  que c’est avec l’utilitarisme que l’éthique moderne a vu le jour. A l’en croire, « c’est avec l’utilitarisme et dans la foulée de la constitution de l’économie politique comme discipline spécifique que l’éthique moderne a vu le jour. Etroitement associées dans l’économie politique classique de Smith et Ricardo, les dimensions analytique et normative se sont graduellement dissociées, ouvrant ainsi la voie à une discipline normative irréductible à, (…), l’analyse économique ».[176] La conformité des membres d’une entreprise à un certain code de conduite détermine, d’après l’auteur, le bon fonctionnement de l’économie et le bien-être collectif. Cette maxime de moralité commune porte entre autre sur l’honnêteté dans le respect des contrats, la véracité de l’information sur les biens et sur les services offerts, la correction dans les rapports avec les subordonnés ou sur le civisme fiscal. La  conformité sans calcul à ces maximes favorise un climat de confiance hautement bénéfique pour le fonctionnement de l’économie, et par conséquent pour le bien-être collectif.[177] L’éthique économique joue un rôle important dans la vie économique d’une société. Dans la perspective libérale, par exemple, l’éthique exige des institutions sociales la solidarité et la tolérance. Ainsi, l’éthique économique joue le rôle d’interpréter, d’expliquer et de préciser cette double exigence dans les institutions, entreprises et disposition ayant une dimension économique.[178]
III.2.4. La corruption, grand défi de l’économie
Dans le deuxième chapitre nous avons montré que la corruption constitue un des facteurs du sous-développement. Vu sa persistance dans la vie économique, il est important d’y consacrer une petite analyse. En effet, la corruption est un fléau qu’il faut, à tout prix, combattre. Ce combat devient d’autant plus grand dans les pays en voie de développement pour qu’ils profitent du mécanisme de marché. Dans le monde économique moderne, la corruption pose problème. A en croire Amartya Sen, « de tous les problèmes relevant des codes de conduite, la corruption économique et ses relations avec le crime organisé est sans aucun doute celui qui a reçu la plus grande attention dans les débats récents »[179]. Bien qu’elle constitue un vice économique, la corruption profite à certains. Selon l’auteur, « toutes les analyses concordent : dans nombreux pays, en Asie et en Afrique, en particulier, la corruption est l’un des principaux écueils au progrès économiques. Pour peu qu’elle atteigne un certain niveau, elle émousse l’efficacité des politiques publiques et détourne les investissements et les activités des secteurs productifs vers de fructueuses zones grises. Elles favorise aussi, (…), la puissance d’organisation criminelles, sur le modèle de la mafia »[180].  La corruption suppose la violation des règles établies en vue d’un profit personnel. Comment peut-on y remédier ? Il n’est pas évident, d’après l’auteur, de mettre fin à ce fléau en incitant les gens à cultiver plus encore leur intérêt personnel ; encore faut-il de solides raisons pour sacrifier un possible bénéfice.[181]Cependant, il pense qu’il faut des réformes organisationnelles pour modifier des gains et des pertes résultant des comportements motivés par la corruption. D’abord, il faut réformer des corps d’inspection. Il s’agit de mettre en place tout un arsenal de sanctions et d’amende en vue de prévenir la corruption. « L’existence d’une réglementation claire, comprenant des menaces de sanction et appliquée avec rigueur exerce une influence indiscutable sur les comportements ».[182]Ensuite, il faut des régimes forts qui ne donnent pas des pouvoirs discrétionnaires à leurs agents. Car ces agents courent la tentation de consentir des faveurs à quiconque est prêt à les payer. L’Etat devra donc renforcer son contrôle sur l’économie afin de supprimer les conditions idéales au développement de la corruption.[183] Enfin, lorsque les fonctionnaires de l’Etat disposent d’un large pouvoir mais ont un revenu relativement faible grande est la tentation de se livrer dans cette pratique de corruption. Il en est de même quand l’économie se trouve contrôlée par des administrations pléthoriques, la possibilité de se retrouver dans cette situation est grande. Au fait, tout l’édifice bureaucratique, du sommet de la hiérarchie jusqu’aux plus bas échelons, se trouve envahi par la corruption. D’où l’importance d’un salaire convenable et d’un contrôle régulier des fonctionnaires par l’Etat.[184]
Le marché se trouve ainsi être un lieu public où sont conclus des accords. Ceux-ci servent de garantie de bonne fin. Ils doivent éviter qu’une des parties contractantes n’échappe à ses engagements. Le caractère contraignant des accords dépend, selon Amartya Sen, soit de la loi et de son application, soit de la confiance mutuelle et d’un sens implicite de l’obligation. L’efficacité réelle des gouvernements sur ce terrain étant souvent limitée et lente, nombre de transactions reposent sur la confiance et l’honneur.[185]
III.3. Rapport  entre gouvernance démocratique et croissance économique
Le concept d’économie a été examiné dans le point précédent. Avant d’établir son rapport avec la gouvernance démocratique et le Droit, il s’avère important de cerner la quintessence de ces deux notions.
III.3.1. L’idée de la gouvernance démocratique
La gouvernance[186] est une notion parfois controversée, car définie et entendue de manières diverses et parfois contradictoire. Cependant, malgré la multiplicité des usages du mot, il semble recouvrir des thèmes proches du « bien gouverner ». Chez la plupart de ceux qui, dans le secteur public ou privé, emploient ce mot, il désigne avant tout un mouvement de « décentrement » de la réflexion, de la prise de décision, et de l'évaluation, avec une multiplication des lieux et acteurs impliqués dans la décision ou la construction d'un projet.
Il renvoie à la mise en place de nouveaux modes de pilotage ou de régulation plus souples et éthiques, fondés sur un partenariat ouvert et éclairé entre différents acteurs et parties prenantes, tant aux échelles locales1 que globales et Nord-Sud.
On distingue deux principaux types de gouvernance : la gouvernance d'entreprise pour le secteur privé et la gouvernance politique pour la pensée politique et administrative. En gouvernance politique, on parle de gouvernance mondiale ou globale, de gouvernance territoriale ou locale en fonction des échelles de gouvernance abordées. La gouvernance concerne en particulier :
Ce terme, dérivé de gouverner, est issu du latin « gubernare », qui est emprunté au grec « kubernâo », verbe qu'on retrouve dans la cybernétique. « Governance » était employé en ancien français (art ou manière de gouverner) comme synonyme de gouvernement. Dans les sociétés occidentales régies par la démocratie libérale, la gouvernance renvoie aux interactions entre l’État, le corps politique et la société, et donc aussi aux systèmes de lobbyisme et de coalitions d'acteurs publics et privés. La « bonne gouvernance » vise à rendre l’action publique plus efficace et proche du bien public et de l'intérêt général, et donc plus légitime. Elle est supposée rendre les sociétés plus facilement ou harmonieusement gouvernables. Elle suppose donc aussi un système qui ne surexploite pas ses ressources et qui soit capable de résilience[187]. C’est une notion qui a été abondamment utilisée par les théoriciens de l’action publique, les politologues et les sociologues depuis le Sommet de la Terre qui, en 1992, a mis en exergue le besoin urgent d'un développement plus soutenable. C'est donc aussi une théorie de la régulation sociale, qui pour fonctionner doit être déclinée à toutes les échelles de gouvernement. Ainsi on parle de gouvernance locale, de gouvernance urbaine, de gouvernance territoriale, de gouvernance européenne, et de gouvernance mondiale : Il n'y a donc pas un modèle unique de gouvernance mais bien des systèmes de gouvernance. La gouvernance comprend trois dimensions. Elle concerne l'ensemble des règles et méthodes organisant la réflexion, la décision et le contrôle de l'application des décisions au sein d'un corps social.
III.3.2. De la démocratie comme facteur de la croissance économique
Les libertés politiques jouent un rôle très important dans le progrès économique d’un peuple. Celles-ci ne sont garanties que par un régime démocratique. Cependant, il s’avère que  beaucoup ne partagent pas l’idée d’accorder aux pays du Tiers-Monde ces libertés politiques, car pensant qu’ils ne sont pas assez matures pour en jouir. Cette attitude freine, à notre avis, la possibilité de l’épanouissement de ces peuples dont les droits ne sont pas reconnus. Quels sont les arguments qu’avancent les opposants de la démocratisation des pays du Tiers-Monde ? En effet, le problème se pose comme suit : « À quoi bon s’intéresser aux libertés politiques et à leurs subtilités quand le problème de l’heure consiste à faire face à des contraintes économiques brutales ? »[188]. En d’autres termes, « faut-il accorder la priorité au combat contre la pauvreté et la misère ou garantir les libertés politiques et civiques, d’une utilité très discutable pour les gens ? »[189]. Ensuite, « cette question et toutes les positions qui en découlent et qui reflètent un scepticisme partagé quant à l’urgence des libertés politiques et des droits civiques a occupé une large place lors de la conférence de Vienne sur les droits de l’homme, au printemps 1993. Les délégués  de plusieurs pays ont alors pris position contre la démocratisation en particulier dans le Tiers-Monde. Ils défendaient l’idée de la priorité des ‘’droits civiques’’, liés aux besoins matériels essentiels »[190]. Amartya Sen nous présente les trois objections essentielles contre cette démocratisation et l’idée d’introduction des libertés élémentaires dans le Tiers-Monde. Ces argument prônent la prééminence  des ‘’droits économiques’’. La première objection porte sur le fait que les droits et les libertés, s’ils sont reconnus à ces Etats, entraveraient la croissance économique et le développement de ceux-ci. La deuxième suppose que les populations pauvres, si elles avaient le choix, opteraient invariablement pour la satisfaction des besoins économiques contre les libertés politiques. La dernière objection stipulant que l’accent mis sur les libertés politiques et la démocratie refléterait une conception spécifiquement occidentale qui entrerait en conflit avec d’autres valeurs qui donnent la prééminence aux notions de l’ordre et de discipline.[191] Amartya Sen ne partage pas ces idées. Il soutient, par contre, que la conceptualisation des besoins économiques dépend, avant tout, d’un débat public et ouvert, que seul le respect des libertés politiques et des droits civiques peut garantir. Les libertés politiques et la démocratie priment, d’après lui, sur les droits économiques. C’est la pression des besoins économiques qui renforce la validité et l’urgence des libertés politiques.[192] Trois considérations légitiment la prééminence des droits et libertés politiques. Il s’agit de:
·         leur importance directe pour la vie humaine, en relation avec les capacités élémentaires telles que la capacité de participation sociale et politique ;
·         leur fonction instrumentale et la façon dont elles permettent la prise en compte, au niveau politique, des souhaits et des revendications exprimées par la population (y compris des revendications liées aux besoins économiques) ;
·         leur rôle constructif dans la définition des besoins économiques (y compris la définition des besoins économiques dans un contexte social donné).[193]
Une question ressort de ces trois considérations. C’est celle de savoir en quoi la démocratie favorise la croissance économique. Dans son approche par les « capabilités » Amartya Sen insiste sur l’idée que l’autoritarisme ne peut pas favoriser un progrès économique voire l’épanouissement de tout l’homme. Seule la démocratie garantit la performance économique. Cette dernière dépend des libertés politiques assurées par une gouvernance démocratique. En effet, l’ouverture à la concurrence et au marché mondial, la généralisation d’un haut niveau d’éducation, une réforme foncière menée à terme et un soutien public aux investissements, l’orientation vers l’industrialisation et les exportations, caractérisent un gouvernement démocratique. Ils favorisent ainsi le progrès économique et ne peuvent se retrouver que dans un régime démocratique.
En outre, « lorsqu’on se livre à une estimation du développement, on ne saurait cantonner l’examen à la progression du PIB ou à d’autres indicateurs généraux de l’expansion économique. Il est indispensable de considérer l’impact de la démocratie et des libertés publiques sur la vie et les capacités des individus, en tenant compte, en particulier, des relations entre l’existence des droits civiques et politiques, d’un côté, et la prévention des catastrophes (telles que les famines), de l’autre[194]. Autrement dit seul l’examen de la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) et d’autres  indicateurs généraux de l’expansion économique ne suffit pas pour déterminer le niveau du développement. Une telle approche ne prend pas en considération le processus conduisant au résultat obtenu. Selon l’auteur, « L’obtention des droits civiques donne aux citoyens la possibilité d’attirer l’attention sur leurs besoins élémentaires et d’exercer des pressions en faveur d’une action publique adéquate ».[195] C’est cette pression qui pousse les gouvernements à donner une réaction aux situations de détresse que les citoyens endurent. D’où l’importance de l’existence effective des droits d’expression, de vote et de manifestation, caractéristiques d’un gouvernement démocratique.[196]
Par ailleurs,  les libertés politiques jouent deux rôles : l’un instrumental, l’autre constructif. Chercher à montrer l’importance instrumentale des libertés politiques revient à répondre à la question de savoir ce qu’est la valeur positive des droits démocratiques. L’importance des libertés politiques et leur prééminence aux droits économiques se justifient par trois raisons. La première raison stipule que les libertés d’expression et d’action ont une grande valeur étant donné qu’il est légitime pour des personnes, créatures sociales, de souhaiter voir reconnue leur libre participation aux activités sociales et politiques. La deuxième soutient que la formation des valeurs exige un processus de communication ouverte et de libre discussion, qui ne saurait exister sans reconnaissance des libertés politiques et droits civiques. La dernière raison affirme que le fait d’exprimer publiquement les valeurs que les gens privilégient et d’obtenir l’attention nécessaire implique l’existence de la liberté de parole et du choix démocratique.[197] Le rôle instrumental des droits civiques et des libertés politiques se trouve également dans la relation entre besoins économiques et libertés politiques. Celles-ci jouent un rôle constructif dans la croissance économique. A en croire l’auteur, « Si l’exercice des droits démocratiques élémentaires facilite une réaction politique à l’expression politique des besoins économiques, il intervient aussi dans la conceptualisation, qui inclut la compréhension, des ‘’besoins économiques’’ »[198]. D’où la discussion et l’échange se trouvent être des principes qui fondent la définition des besoins économiques, leur contenu et leur force. Le processus d’élaboration des choix sociaux informés dépendent de la qualité et de l’exercice des droits civiques et politiques par les membres de la société. Aussi en est-il de la définition des valeurs et des priorités. Les droits civiques et les libertés politiques garantissent donc la discussion ouverte, la contradiction, la critique et les divergences d’opinion. S’il en est ainsi, toute préférence ne doit être considérée comme valide que si elle a été l’objet d’une discussion ouverte et des échanges de vues autorisés et menés à terme.[199]  Bref, « les droits politiques, y compris la liberté d’expression et le libre débat, ne sont pas seulement primordiaux dans la formulation des réponses sociales aux besoins économiques, ils sont aussi cruciaux dans la façon de concevoir les besoins économiques eux-mêmes »[200].
Remarquons que la démocratie, d’après l’approche par les « capabilités » s’avère indispensable pour une croissance économique par ses trois aspects qui sont sa légitimité intrinsèque, son rôle de protection et sa fonction constructive. En développement, les droits démocratiques constituent, pour Amartya Sen, des avantages potentiels dont l’efficacité dépend de la qualité de l’exercice que les membres d’un Etat en font. Nous ne devons pas confondre la démocratie à une quinine qui traite la malaria par une simple injection. La démocratie ne soigne pas les maux de cette manière. Les gens doivent s’emparer des possibilités existantes s’ils veulent atteindre l’effet recherché. C’est la règle élémentaire : la  qualité d’une liberté dépend de la façon dont elle est exercée. C’est pourquoi, nous sommes d’accord avec l’auteur lorsqu’il pense que le succès de la démocratie n’est pas seulement affaire des règles et de procédures. Il dépend aussi de la manière dont les citoyens mettent à profit des opportunités existantes[201].



















CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de ce travail, remarquons qu’avec le phénomène de mondialisation le monde est caractérisé par un progrès sans précédent dans la sphère économique ainsi que dans tous les domaines. A titre d’illustration, le monde a connu au cours du XXe siècle, un modèle dominant d’organisation politique caractérisé par la gestion démocratique et la participation publique. Les concepts des droits de l’homme et celui de la liberté politique ont été largement acceptés. L’espérance de vie a été prolongée telle qu’elle ne l’a jamais été. Les relations plus étroites entre différentes régions du monde ont été améliorées aujourd’hui plus qu’à aucun moment de l’Histoire. Nous assistons à une facilité et rapidité dans la circulation des idées, des services et des marchandises.
Cependant, nul n’a besoin de constater le fait que le monde postmoderne[202] connaît un niveau incroyable élevé de privations en tous genres, de misère et d’oppression. Aux anciens fléaux viennent s’ajouter des  problèmes inédits, tels que la persistance de la pauvreté, les besoins élémentaires non satisfaits, les famines soudaines, la malnutrition endémique, la violation des libertés politiques élémentaires, le non-respect des droits des femmes ou de leur rôle, ainsi que la détérioration de l’environnement et les interrogations sur la viabilité à long terme de notre modèle économique et social.[203] Ce sont ces différents problèmes et l’attention accordée plus aux dimensions économiques, politiques, environnementales au détriment de l’aspect humain, qui nous ont motivé à mener une réflexion sur le type de développement que le phénomène de la mondialisation impose au monde par l’entremise de grandes puissances.
Trois questions nous ont servi de fil conducteur dans cette entreprise scientifique. La première était celle de savoir si la croissance économique poursuivie par les philosophes libéraux et soutenue par les théoriciens de l’économie de marché favorisait en réalité l’épanouissement de l’homme. L’analyse du phénomène de la mondialisation révèle que, nonobstant les avancées économiques, scientifiques et technologiques que connaît le monde aujourd’hui, la qualité de vie humaine, en termes d’épanouissement, s’en trouve déséquilibrée. Au fait, la paupérisation cauchemardesque que connaissent les pays dits en voie de développement prouve à suffisance les limites flagrantes de cette internationalisation économique. La deuxième cherchait à examiner les enjeux économiques, politiques et socio-environnementaux du phénomène de la mondialisation. La dernière question portait sur l’établissement des conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie de l’homme. En effet, aux capacités et aptitudes innées  s’ajoutent une bonne éducation et une bonne santé, grâce auxquelles les gens pourront s’approprier les valeurs démocratiques et par conséquent, mener librement un style de vie qu’ils auront rationnement souhaité. Un bon système éducatif et de bonnes conditions sanitaires dotent les personnes de capacités de convertir leurs revenus en finalités, c’est-à-dire en mieux-être.
Notre entreprise scientifique s’est articulée autour de trois chapitres qui ont soutenu nos hypothèses. Le premier chapitre a porté sur l’analyse du phénomène de la mondialisation. Il a constitué un préalable à tout le reste de notre recherche scientifique. A travers ce chapitre nous avons tenté de répondre à la préoccupation de savoir si la croissance économique favorise réellement  l’épanouissement de la personne humaine. Après analyse de ses enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux, nous avons abouti au constat que cette globalisation impose un mode de vie, mieux un type de développement qui, à long terme, constitue un danger à l’épanouissement de l’homme. Parmi les conséquences flagrantes de la mondialisation nous avons retenu, entre autres, la polarisation du monde entre les pays pauvres et les pays riches. D’un côté, les riches s’enrichissent davantage, de l’autre côté, les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. D’où l’urgence d’une nouvelle approche qui prend en compte toutes les dimensions de la vie de l’homme et qui favorisent l’amélioration de la qualité de sa vie.
L’approche par les « capabilités » d’Amartya Sen se veut une nouvelle approche du développement capable de surmonter des handicaps dont le processus de globalisation est auteur. C’est cette approche qui a constitué le socle du deuxième chapitre. Par développement, Amartya Sen n’entend pas seulement une croissance économique mais surtout le fait de surmonter toutes les formes de non-libertés qui restreignent le choix des gens et réduisent leurs possibilités d’agir. La suppression de non-libertés (que nous avons appelé facteurs du sous-développement) est une tâche centrale du développement. Cette nouvelle approche met l’accent sur la liberté comme moyen et fin du développement. En d’autres mots, le développement va de pair avec la liberté. Il ne s’agit pas ici de la liberté entendue comme absence de contraintes mais de la liberté en vue du mieux-être humain. Dans ce chapitre nous avons essayé de répondre à la préoccupation de l’établissement des conditions de possibilité de l’amélioration de la qualité de vie de l’homme. Amarya Sen, à travers son l’approche de « capabilités », nous a servi de référence. Il met l’accent sur la liberté qu’ont les personnes de mener une vie qu’elles ont raison de souhaiter. Ainsi soutient-il l’idée que pour surmonter les multiples privations, l’action des individus est indispensable.
Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue que cette liberté d’action doit être nécessairement déterminée et contrainte par les possibilités sociales, politiques et économiques qui s’offrent aux personnes. Il existe donc une complémentarité entre action individuelle et structures sociales. La liberté individuelle est un engagement social. C’est la société qui donne corps à la liberté. Par conséquent, pour garantir à tous ses membres cette liberté, la société a l’obligation d’assurer l’éducation de base à tous et de garantir de bonnes conditions sanitaires à travers ses structures de santé. La santé et l’éducation constituent pour le philosophe et économiste indien des libertés substantielles. A ces dernières s’ajoutent les libertés instrumentales qui sont en interconnexion. Ce sont les opportunités économiques, les libertés politiques, les dispositions sociales, les garanties de transparence et la sécurité protectrice. En outre, l’approche par les « capabilités » évalue la configuration de la société et les institutions qui y participent (notamment l’Etat, la marché, le système juridique, les partis politiques, les médias, les groupes d’intérêts, les forums de discussion publique, etc.) par leur contribution au renforcement des libertés substantielles des individus. Cette perspective définit les personnes comme des acteurs du changement et non comme des destinataires passifs d’avantages octroyés par telle ou telle structure.
Le troisième chapitre s’est focalisé sur l’examen de la possibilité d’une éthique de l’économie, étant donné le rôle instrumental que joue l’économie dans l’épanouissement de l’homme. Loin de nous l’ambition de proposer un code de conduite dans les affaires, mais d’examiner la validité des principes régissant le mécanisme du marché. L’Optimum de Pareto, par exemple, est un principe selon lequel personne ne peut voir sa situation améliorée sans que celle d’un autre soit dégradée. Un tel principe se trouve corrigé par l’approche par les « capabilités ». Celle-ci soutient l’idée selon laquelle ce qui importe ce n’est pas le résultat mais le fait de voir si les personnes ont eu les possibilités nécessaires de mener telle ou telle autre action. Ainsi, les libertés substantielles doivent être garanties à tous. Ce qu’on en fera dépendra des caractéristiques de chacun. Le mécanisme de marché, les critères d’évaluation de l’efficacité du marché ainsi que le fléau de la corruption ont arrêté notre attention.  Ainsi, un marché ne sera jugé efficace que dans la mesure où il garantit et concoure à l’expansion des libertés substantielles de ses acteurs.
Pour arriver à tous ces résultats qui confirment nos hypothèses, il a fallu user de l’analyse et de la critique comme voies d’approche de notre sujet.
Par ailleurs, l’attention réservée à cette nouvelle science, l’éthique économique,  est née du constat du rétrécissement de l’économie par l’esprit capitaliste. En effet, l’égoïsme capitaliste a fait éloigner l’éthique de la science économique. Cet éloignement a créé dans le monde économique deux problèmes majeurs. D’un côté, il a provoqué l’inégalité. Il s’agit de l‘existence d’une extrême pauvreté dans le contexte d’une prospérité sans précédent. De l’autre côté, la mauvaise gestion des « biens communs ». Par ‘’biens communs’’ il faut entendre de biens partagés par tous, tels que l’environnement. La tentative de répondre à cette dernière question a conduit à la réflexion sur le développement durable.
Les problèmes que pose le marché dépendent du type de régime politique. Le politique et l’économique s’inter influencent. L’approche par les « capabilités » accorde de l’importance à la démocratie. Un régime démocratique est idéal pour l’épanouissement de l’homme puisqu’il réunit en son sein les conditions nécessaires de garantir les libertés de base pour tous. Aussi, ouvre-t-il un large espace à la participation et au débat public.
L’objet de notre recherche a été le développement humain. A quoi sert-il ? Amartya Sen, à travers son approche par les « capabiltés », souligne l’importance du développement humain. Pour lui, la création des opportunités sociales contribue à l’expansion des capacités et de la qualité de vie. Ainsi le développement de la santé publique, de l’éducation, de la protection sociale, etc., contribuent directement à la qualité et à l’épanouissement de la vie humaine. L’auteur pense qu’un pays qui garantit les soins et l’éducation à tous est capable d’atteindre des résultats remarquables en termes d’espérance et de qualité de vie pour l’ensemble de sa population, même à bas revenu. Selon lui, la santé et l’éducation publiques reposant, pour l’essentiel sur le travail humain, sont relativement peu couteux en phase initiale de développement économique, lorsque la main d’œuvre est bon marché.
Le développement humain ne s’arrête pas seulement à l’amélioration directe de la qualité de vie. Il favorise également les facultés productives des personnes et donc la croissance économique partagée. A titre d’illustration, savoir lire et compter facilite la participation au processus d’expansion économique. En outre, pour s’insérer dans les échanges mondiaux, il s’avère crucial, d’après l’auteur, de pouvoir se plier à des normes telles que le ‘’contrôle de qualité’’[204] que la main-d’œuvre analphabète maîtrise mal.
Tout montre, par ailleurs, que l’amélioration de la santé et de l’alimentation favorisent la productivité et les rémunérations de la main-d’œuvre salariée. Aussi, existe-t-il des rapports entre scolarisation et baisse du taux de fertilité. Car, d’après Amartya Sen, lorsque le taux de fertilité est élevé, il constitue un obstacle à la qualité de vie, particulièrement celle des jeunes femmes, les grossesses fréquentes et les soins aux enfants portant préjudice au bien-être et à la liberté des jeunes mères. Pour ce faire, il pense que la responsabilisation des femmes apparaît comme un moyen efficace pour réduire le taux de fertilité. Elle sera rendue possible par le travail des femmes à l’extérieur du foyer, l’accès à l’éducation, la participation à la gestion de la chose publique, etc. Ces multiples responsabilités donneront aux jeunes femmes toutes raisons de limiter les naissances et disposeront ainsi d’une influence plus grande sur les décisions familiales.
Tout compte fait, nous sommes reconnaissant du fait que la réalisation de ce travail a connu des hauts et des bas. Etant une œuvre humaine, nos lecteurs voudront bien excuser les lacunes d’ordre méthodologique. Loin de nous contenter de la loi du moindre effort, nous ne pouvons également pas prétendre avoir tout dit, ou du moins, avoir épuisé la complexité de notre sujet ni tous les détails développés par Amartya Sen dans son approche par les « capabilités ».
Parler du développement entendu comme liberté dans le monde actuel, non seulement partagé entre riches et pauvres d’un côté, mais aussi et surtout, divisé entre, d’un côté, ceux qu’inquiètent les ravages du capitalisme global et de l’autre côté, ceux qu’effraie la terreur que font régner les Etats qui bafouent la liberté individuelle et l’initiative privée, ne va pas sans difficulté état donné la diversité dans la conception du développement. Conscient de cela, nous y avons été attentif. C’est pourquoi nous pouvons affirmer avec Kofi Annan que notre qualité de vie ne se mesure pas à notre richesse, mais à notre liberté !
















BIBLIOGRAPHIE
Livres de l’auteur

v  SEN A, Ethique et économie et autres essais, traduit de l’anglais par Sophie Marnat, QUADRIGE-PUF, Paris, 1993.
v  SEN A., Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, traduit de l’anglais par Michel Bessières, Odile-Jacob-Poches, Paris, Février 2003.

Autres ouvrages

v  ARISTOTE, Ethique de  Nicomaque, trad. Par Jean Voilquin, GF FLAMMARION, Paris, 1965.
v  BERNARD G., La mondialisation. Une seule planète, des projets divergents, LAROUSSE, Paris, Septembre 2009.
v  RAWLS J., Libéralisme politique, trad. Franc. C. Audard, PUF, Paris,1995
v  RAWLS J., La justice comme équité. Une reformulation de Théorie de la Justice, trad. Franc. P. Guillarme, La Découverte, Paris, 2004.
v  REEVES H. et LENOIRF, Mal de Terre, Seuil, Paris, mars 2003.


Dictionnaires

v  CANTO-SPERBER M., Dictionnaire d’éthique et de Philosophie morale, vol.1, 4è éd., QUADRIGE/PUF, Paris, 1996.
v  Le petit Larousse illustré grand format, Larousse, Paris, 2008.





Articles
v   BASHIGE A.D.C., « La religion, frein ou facteur de développement » in Recherches Africaines. L’Afrique et son vécu, n°34, CERDAF, Bukavu, Septembre 2013.
v  BERTIN A, « Glossaire des termes utilisés dans l’approche par les capabilités », in D’un développement viable à une liberté durable 6-10 Septembre 2003, Université de Pavie, Italie, PDF.
v  CALLENS S., « Joseph Stieglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, 2009, Richesse des nations et bien-être des individus, préface de Nicolas Sarkozy, Paris : Odile Jacob, 326p. », Développement durable et territoires[En ligne], vol.1, n°3 (Décembre 2010, mis en ligne le 07 décembre 2010.
v  « De la mondialisation à l’universalisation : une ambition sociale », Mission présidée par, Rapport intermédiaire au Président de la République, Décembre 2010.
v  SEN A, « Dix vérités sur la mondialisation » in Le Monde, Paris, 18-07-2001.
v  YOUNESS EL KADIRI, e.a, « Rapport du module environnement : Mondialisation », Ecole Nationale Supérieure des Mines Saint Etienne, Décembre 2003-Avril 2004.

Webographie


Cours

v  CHISHUGI A.C. Cours de Philosophie Ethique, G1 droit, Université Officielle de Bukavu, 2013-2014, inédit.
v  MUSHIGI G., Cours de Mondialisation I, L1 Philosophie, Université Officielle de Bukavu, 2012-2013, inédit.















TABLE DE MATIÈRES
ÉPIGAPHES …………………………………………………………………………….I
DÉDICACE……………………………………………………………………………..II
REMERCIEMENTS.…………………………………………………………………..III
RÉSUMÉ/ ABSTRACT………………………………………………………..……….IV
PLAN DU TRAVAIL………………………………………………………………..…..V
PREMIER CHAPITRE : DU PHÉNOMÈNE DE LA MONDIALISATION……….9
I.1. Définition et historique de la mondialisation………………………………………...10
I.1.1. Définition…………………………………………………………………………..11
I.1.2. Histoire de la mondialisation……………………………………………………….11
I.1.2.1. La première phase couvre la période de 1849-1914……………………………..14
I.1.2.2. Une deuxième phase s’ouvre avec la résistance des Etats et couvre la période  de 1914-1989………………………………………………………………………………...15
I.1.3. Une troisième phase : la mondialisation contemporaine…………………………...16
I.2. Facteurs et acteurs de la mondialisation……………………………………………...17
I.2.1. Facteurs de la mondialisation………………………………………………………17
I.2.2. Acteurs de la mondialisation……………………………………………………….18
I.2.2.1. Les institutions multilatérales…………………………………………………….19
I.3. Enjeux socio-économiques, politiques et environnementaux de la mondialisation….22
I.3.1. Enjeux socio-économiques…………………………………………………………22
I.3.1.1. Enjeux sociaux……………………………………………………………………23
I.31.2. Enjeux économiques ……………………………………………………………...24
I.3.2. Enjeux politiques…………………………………………………………………...26
I.3.3. Enjeux environnementaux………………………………………………………….27

DEUXIÈME CHAPITRE : DE L’ « APPROCHE PAR LES CAPABILITÉ S»……………………………………………………………………….37

II.1. Des facteurs du sous-développement……………………………………………….37
II.1.1. Facteurs lointains………………………………………………………………….39
II.1.2. Facteurs internes…………………………………………………………………..41
II.1.2.1. La mauvaise gouvernance……………………………………………………….41
II.1.2.2. La corruption…………………………………………………………………….43
II.1.2.3. L’atrophie du système judiciaire………………………………………………...44
II.1.2.4. Les politiques économiques……………………………………………………..45
II.1.3. Facteurs culturels………………………………………………………………….46
II.2. Du ‘’développement comme liberté’’……………………………………………….50
II.2.1. De la liberté comme fin et moyen du développement…………………………….51
II.2.1.1. Distinction entre liberté négative et liberté positive…………………………….52
II.2.2. Rôles de la liberté dans le processus du développement………………………….53
II.2.2.1. Rôle constitutif de la liberté……………………………………………………..54
II.2.2.2. Rôle instrumental de la liberté…………………………………………………..54
II.3. De l’évaluation du bien-être…………………………………………………………57
II.3.1. Approche utilitariste……………………………………………………………….58
II.3.2. Approche par les « biens premiers »………………………………………………61
II.3.3. Approche par les « capabilités »…………………………………………………..65
II.3.3.1. Du concept « capabilité »………………………………………………………..65
II.3.3.2. Fonctionnement et caractéristique……………………………………………….68
II.3.3.3. De la « liberté comme engagement »……………………………………………70

TROISIÈME CHAPITRE : VERS UNE ÉTHIQUE ÉCONOMIQUE PAR LES ‘’CAPABILITÉS’’………………..…………………………………………………….74

III.1. De l’éthique de l’économie…………………………………………………………75
III.1.1. L’origine de l’économie………………………………………………………….75
III.1.2. Débat actuel sur l’éthique économique…………………………………………..77
III.1.3. Du mécanisme de marché………………………………………………………...78
III.1.3.1. Rôle du mécanisme de marché…………………………………………………79
III.1.3.2. Limites du mécanisme de marché……………………………………………... 83
III.1.4. Critères d’évaluation de l’efficacité………………………………………………85
III.1.4.1. Optimum de Pareto……………………………………………………………..85
III.1.4.2. Le Maximin……………………………………………………………………..89
III.2. Rapport entre économie, éthique et morale………………………………………...90
III.2.1. Définition de l’économie…………………………………………………………91
III.2.2. Définition de l’éthique…………………………………………………………...94
III.2.3. Rapport entre éthique, morale et économie………………………………………95
III.2.4. Corruption, grand défi de l’économie…………………………………………….97
III.3. Rapport entre gouvernance démocratique et croissance économique……………..98
III.3.1. L’idée de la gouvernance démocratique…………………………………………98
III.3.2. De la démocratie comme facteur de la croissance économique………………..100

CONCLUSION GÉNÉRALE…………………………..…………………………….105
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………..……111
TABLE DES MATIÈRES……………………………………………………………..114





[1] Le Produit Intérieur Brut est l’un des agrégats majeurs des comptes nationaux. Sa dénomination anglaise est le GDP, pour Gross Domestic Product. En tant qu'indicateur économique principal de mesure de la production économique réalisée à l’intérieur d'un pays donné, Le PIB vise à quantifier — pour un pays et une année donnés — la valeur totale de la « production de richesse » effectuée par les agents économiques résidents à l’intérieur de ce territoire. Le PIB reflète donc l’activité économique interne d’un pays et la variation du PIB d’une période à l'autre est censée mesurer son taux de croissance économique. Le PIB par habitant mesure le niveau de vie et, de façon approximative, celui du pouvoir d'achat car n’est pas prise en compte de façon dynamique l’incidence de l’évolution du niveau général des prix. Voir fr.wikipedia.org , consulté le 20-07-2014, à 10hoo.

[2] En économie, le Produit National Brut correspond à la production annuelle de richesses créées par un pays, que cette production se déroule sur le sol national ou à l'étranger. Voir Ibidem.

[3] L'Indice de Développement Humain est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations unies pour le développement en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde. L'IDH se fonde sur trois critères majeurs: l'espérance de vie à la naissance, le niveau d'éducation, et le niveau de vie. Voir Ibidem.

[5] Cf. S. Callens, « Joseph Stieglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, 2009, Richesse des nations et bien-être des individus, préface de Nicolas Sarkozy, Paris : Odile Jacob, 326p. », Développement durable et territoires[En ligne], vol.1, n°3 (Décembre 2010, mis en ligne le 07 décembre 2010. URL : http://developpementdurable.revues.org/8712.
[6] Cf. G. BERNARD, Mondialisation. Une seule planète, des projets divergents, Petite encyclopédie LAROUSSE, Paris, 2009, p.7.
[7]  Idem, p.22.
[8]  La Commission Bruntland. (voirhttp://www.are.admin.ch/themen/nachhaltig/00266/00540/00542/index.html?lang=en , consulté le 13-02-2014, à 8h24).
[9] G. BERNARD, op.cit., p.100.
[10]  « Humaniser la mondialisation » est un programme interdisciplinaire de l’UNESCO qui s’inscrit dans sa stratégie à moyen terme pour 2002-2007. Dr. Ninou Garabaghi (Responsable du Programme Interdisciplinaire Ethique de l’économie à l’UNESCO), dans sa présentation du travail de Patrice MEYER-BISCH(Philosophe et coordonateur de l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme à l’Université de Fribourg) intitulé : « L’éthique économique : une contrainte méthodique et une condition d’effectivité des droits humains », définit l’objet de ce thème comme celui de soutenir et de susciter les initiatives qui tendent à la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique des valeurs susceptibles de contribuer à l’humanisation de la mondialisation. Selon le même auteur, le concept d’ « économie éthique », fondé dans le cadre du paradigme du « développement humain, durable et partagé », se présente aujourd’hui avec pour objet la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique de règles du jeu, de principes et de normes éthiques universellement acceptables susceptibles de favoriser à moyen terme la réconciliation de l’économique, du social, de l’écologique et du culturel et à plus long terme d’assurer leur codétermination dans le processus de mondialisation en cours.
(voir http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001323/132374f.pdf , consulté le 17-03-2014, à 11h20).


[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Amartya_Sen, consulté ce mardi 24/06/2014, à 15h42.
[12] A. SEN, « Les dix vérités sur la mondialisation », in Le Monde, Paris, 18-07-2001, p.1.
[13] Cf. G. MUSHIZI, Cours de Mondialisation I, L1 Philosophie,Université Officielle de Bukavu, 2012-2013, inédit.
[14] Rapport du module Environnement : Mondialisation, par YOUNESS E., e.a. Ecole Nationale Supérieure des Mines St. Etienne, Décembre 2003-Avril 2004, p.3. PDF.
[15] B.GUILLOCHON, La mondialisation. Une seule planète, des projets divergents, Petit Encyclopédie LAROUSSE, Paris, Septembre 2009, p.7.
[16] B. GUILLOCHON, op.cit., p.8.
[17] Ibidem.
[18] Idem, p.10.
[19] Idem, p.7.
[20] Keynésianisme : c’est l‘ensemble des théories de l’économiste J.M. Keynes. Cf.  Le petit Larousse illustre grand format, Larousse, Paris, 2008,  p.569. En effet, le keynésianisme est une école de pensée économique fondée par l'économiste britannique John Maynard Keynes. Pour les keynésiens, les marchés laissés à eux-mêmes ne conduisent pas forcément à l'optimum économique. En outre, l'État a un rôle à jouer dans le domaine économique notamment dans le cadre de politique de relance. Toutefois, l'importance de ce rôle varie avec les courants keynésiens et avec les traditions étatiques des différents pays. Les courants dominants actuels sont la synthèse néo-classique nommée aussi néo keynésianisme et la nouvelle économie keynésienne. L'influence du post-keynésianisme est plus limitée mais non négligeable dans certains pays, notamment en France. Cette école se place en opposition radicale aux principaux courants actuels et veut conserver les aspects les plus contestataires et hétérodoxes du keynésianisme. Cf. fr.wikipedia.org , consulté le 20-07-2014, à 10h02.
[21] Cf. « De la mondialisation à l’universalisation : une ambition sociale », Mission présidée par Christine Boutin, Rapport intermédiaire au Président de la République, Décembre 2010.
Voire également, E. K. YOUNESS, e.a., « Rapport du module environnement : Mondialisation »,  Ecole Nationale Supérieure des Mines Saint Etienne, Décembre 2003-Avril 2004, pp.4-6.
[22] La liste comprend 13 autres pays dont l’Allemagne (7,3 millions), l’Ukraine (6,9 millions), la France(6,3 millions), l’Inde(6,3 millions), le Canada(5,8 millions), l’Arabie saoudite(5,3 millions), l’Australie(4,7 millions), le Pakistan(4,2 millions), le Royaume Uni(4 millions), le Kazakhstan(3 millions), la Côte d’Ivoire(2,3 millions), l’Iran(2,3 millions) et l’Israël(2,3 millions) . (Cf. « Rapport sur le module environnement : Mondialisation », p.7.
[23] On parle de délocalisation d’une entreprise lorsque celle-ci ferme une usine et la transfère dans un pays étranger. Cette entreprise à l’étranger s’appelle « Investissements Directs Etrangers (IDE). Généralement cette délocalisation est motivée par différentes raisons  notamment une impossibilité de produire des quantités suffisantes dans le pays d’origine par carence de ressources naturelles, une impossibilité de vendre suffisamment dans le pays de destination pour diverses raisons, la possibilité de mieux satisfaire la demande dans le pays d’implantation, la possibilité de bénéficier d’avantages comparatifs macro-économiques dans les pays d’implantation, tel que le bas salaire.(Cf. « Rapport sur le module environnement : Mondialisation », p.16.)
[24] B. GUILLOCHON, op.cit., pp.116-119.
[25] A. SEN, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, traduit de l’anglais par Michel Bessières, Odile-Jacob-Poches, Paris, Février 2003, p.316.
[26] Cf. .A.-M. SACQUET, Atlas/Monde, Paris, 2002. p.112.
[27] B.GUILLOCHON., op.cit., p.7.
[28] B.GUILLOCHON., op.cit., p.7.
[29] A. SEN, op.cit., p.340.
[30] « Rapport du module environnement : Mondialisation », p.11.
[31] B.GUILLOCHON, op.cit., p.36.
[32] A. SEN, op.cit., p.315.
[33]  Cf. Rapport du module environnement : Mondialisation, p.20.
[34] H. REEVES et F. LENOIR, Mal de Terre, Seuil, Paris, mars 2003, pp.145-146.
[35] H. REEVES et F. LENOIR, op.cit., p.146.
[36]  Ibidem.
[37] Ibidem.
[38]Ibid.
[39] Cf. Rapport du module environnement : Mondialisation, p.24.
[40] A. SEN, « Les dix vérités sur la mondialisation », in Le Monde, Paris, 18-07-2001. Vu la richesse du contenu, nous avons préféré reprendre ce texte mot à mot car il balise la suite de notre réflexion. C’eût été dommageable de le résumer.
[41] C. BASHIGE, « La religion, frein ou facteur de développement » in Recherches Africaines. L’Afrique et son vécu, n°34, CERDAF, Bukavu, Septembre 2013, p.238.
[42] Cf. LALAYE cité par C. BASHIGE, art.cit., p.238.
[43] A. SEN, Un nouveau modèle économique, Développement, justice, liberté, traduit de l’anglais par Michel Bessières, Odile-Jacob-Poches, Paris, Février 2003, p.15.
[44]A. SEN, op.cit., p.16.
[45]  Ibidem.
[48]Ibidem.
[49] Cf. Ibidem.
[50] Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Freins_au_d%C3%A9veloppement, consulté le 19 mars 2014, à 12h30.
[51] Ibidem.
[53] A. SEN, op.cit., pp.29-30.
[54] « Transparency International » est une organisation non gouvernementale internationale d'origine allemande ayant pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales mondiaux. Elle a été fondée par Peter Eigen en 1993 et a aujourd'hui un rayonnement international, possédant des sections autonomes dans 80 pays du Nord comme du Sud. Elle rejette ainsi toute supériorité des premiers sur les seconds dans la lutte contre la corruption et déplore souvent la baisse dans le classement de certains pays développés, notamment au sein de l'Union européenne. Il est surtout connu pour publier régulièrement des indices mondiaux sur la corruption : classement des États, taux de corruption par pays ou encore régularité des échanges internationaux. Elle se place également en observateur du fonctionnement démocratique des institutions nationales en émettant des avis sur les actions gouvernementales. C'est le cas par exemple en 2009 vis-à-vis de l'intention de Nicolas Sarkozy de supprimer le poste de juge d'instruction, qu'elle considère comme un risque majeur. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Transparency_International, consulté le samedi 3 Mai 2014,à 16h00.
[55] A. SEN, op.cit., p. 349.
[57] A. SEN, op.cit., p.30.
[58]  Idem, p.31.
[59] Ibidem.
[60]  A. SEN, op.cit., p.317.
[61]  Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Freins_au_d%C3%A9veloppement, consulté le 19 mars 2014, à 12h30.
[63] Ibidem.
[65] A. SEN, op.cit., p.50.
[66]  A. SEN, op.cit.,p.51.
[67]  Idem, p.52.
[68]  A. SEN, op. cit., p.55.
[69]  Ibidem.
[70] A. BERTIN, « L’approche par les capabilités d’Amartya Sen, une voie nouvelle pour le socialisme libéral », in Cahier du GETHA, n°2008-9, p.7.
[71] V. REBOUD, « Amartya Sen : un économiste du développement ? », in Agence Française de Développement. Département de la Recherche, p.33.
[72] A. BERTIN, art.cit, p.8.
[73] Ibidem.
[74] V. REBOUD, art.cit., p.33.
[75] A. BERTIN, art.cit., p.8.
[76] A. BERTIN, art.cit., p.8.
[77] Ibidem.
[78] Cf. A. SEN, Un nouveau modèle économique, Développement, justice, liberté, p.32.
[79] Cf. A.SEN, op.cit., p.56.
[80] Ibidem.
[81] Idem, p.35.
[82]   A.SEN, op.cit., p.34.
[83]  Cf. Idem, p.35.
[84] Idem, p.59.
[85] A. SEN, op.cit., p.60.
[86] Ibidem.
[87] Cf. Ibidem.
[88] Cf. Idem., p.61.
[89] Cf. A.SEN, op.cit., p.61.
[90] Idem, p.84.
[91] Cf. A.SEN, op.cit. p.84.
[92] Cf. Ibidem.
[93] A. SEN, Ethique et économie et autres essais, traduit par Sophie Marnat PUF, Paris, 1993, p.272.
[94] A. SEN, op.cit., p.85.
[95] A. SEN, op.cit., p.272.
[96] A. SEN, op.cit., p.85.
[97] A. SEN, op.cit., p.272.
[98] A.SEN, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, p.87.
[99] Idem, p.89.
[100] Ibidem.
[101] Ibidem.
[102] A. SEN, Ethique et économie, p.44.
[103] J. RAWLS,  La justice comme équité. Une reformulation de Théorie de la Justice, trad. Franc. P. Guillarme, La Découverte, Paris, 2004, p.90.
[104] J. RAWLS, Libéralisme politique, trad. Franc. C. Audard, PUF, Paris, 1995, p.220.
[105] V. REBOUD, « Si la définition du niveau de vie avait des présupposés éthiques » in Amartya Sen : un économiste du développement, AFD, 2008, p.38.
[106] Cf. Ibidem.
[107] Cf. A. SEN, Un nouveau modèle économique, Développement, justice, liberté, p.99.
[108] A. SEN, op.cit., pp.99-101.
[109] Idem, p.103.
[110] A.SEN, op.cit., p. 105.
[111] A.SEN, Ethique et économie et autres essais, p.220.
[112] V.REBOUD, art.cit., p.45.
[113] A.BERTIN, « Glossaire des termes utilisés dans l’approche par les capabilités », in D’un développement viable à une liberté durable 6-10 Septembre 2003, Université de Pavie, Italie, PDF.
[114] Cf. A.BERTIN, art.cit. PDF.
[115]. Ibidem.
[116]A. BERTIN, art.cit. PDF.
[117] Ibidem.
[118] A.SEN, Un nouveau modèle économique, pp. 371-372.
[119]Idem., p.376.
[120] Idem, p.377.
[121]A. SEN, op.cit., p.377.
[122] Cf. Idem, p.383.
[123] A. SEN, Ethique et économie, et autres essais, trad. de l’Anglais par Sophie Marnat, QUADRIGE/PUF, Paris, 1993, p.6.
[124] ARISTOTE, Ethique de Nicomaque, trad. Par Jean Voilquin, GF FLAMMARION, Paris, 1965, p.10.
[125] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, cité par A. SEN, op.cit., p.7.
[126] Cf. A. SEN, op.cit., p.8.
[127] Cf. Idem, p.9.
[128] Cf. Ibidem.
[129] A.SEN, op.cit.p.9.
[130] Idem, p.10.
[131] Idem, p.12.
[132]Idem, p.13.
[133] Cf. P. MEYER-BISCH, « L’éthique économique : une contrainte méthodologique et une condition d’effectivité des droits humains », PDF.
[134] P. MEYER-BISCH, op.cit.
[135] Cf. Dictionnaire électronique.
[136] A.SEN, op.cit., p.191.
[137] Cf. Idem, p.19.
[138] Idem., p.20.
[139] A.SEN, op.cit., p.43.
[140] Cf. Ibidem.
[141] Idem,p.43.
[142] Idem, p.45.
[143]A.SEN, op.cit., p.151.
[144] Cf. Idem, p.156.
[145] Ibidem.
[146]A.SEN,op.cit., pp.156-157.
[147] Idem, p.158.
[148] Ibidem.
[149]A.SEN, op.cit. p.158.
[150]Ibidem.
[151] Ibidem.
[152] Cf. Idem, p.159.
[153] Cf. Idem, p.163.
[154] Cf. Ibidem.
[155] A.SEN, op.cit., p.163.
[156] Idem, p.164.
[157] Cf. Ibidem.
[158] Idem, p.191.
[159]A. SEN, op.cit., p.44.
[160] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_march%C3%A9, consulté ce mardi 24-06-2014, à 14h50.
[161] http://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_de_Pareto,  consulté  ce mardi 24/06/2014, à 14h55.
[162] Cf. A.SEN, op.cit., p.160.
[163] Idem, p.161.
[164] http://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_de_Pareto,  consulté  ce mardi 24/06/2014, à 14h55.
[165] http://fr.wikipedia.org/wiki/Optimum_de_Pareto,  consulté  ce mardi 24/06/2014, à 12h55.
[166] A. SEN, Éthique et économie, p.33.
[168]J. RAWLS , Théorie de la justice, traduction française de C. Audard, Seuil, Paris, 1987, p.91.
[169] J. RAWLS , Libéralisme politique, PUF, Paris, 1995. pp.29-30.
[171] Cf. A.C.CHISHUGI, Cours de Philosophie Ethique, G1 Droit, Université Officielle de Bukavu, 2013-2014, inédit.
[172] Toute cette analyse et la suite de ce sous-point s’inspirent de http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie, consulté ce mercredi 1806 2014, à 17h04.

[173] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie, consulté ce mercredi 18/06/ 2014, à 17h04.
[174] Nous puisons  dans : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89thique, consulté ce mercredi 18/06/2014, à 17h20.
[175]http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89thique, consulté ce mercredi 18/06/2014, à 17h20.

[176] M. CANTO-SPERBER, Dictionnaire d’éthique et de Philosophie morale, vol.1, 4è éd., QUADRIGE/PUF, Paris,1996, p.591.
[177] Cf. Idem, p.592.
[178] M. CANTO-SPERBER, op.cit., p.595.
[179] A.SEN, Un nouveau modèle économique, p.350.
[180]Idem, p.359.
[181] Idem, p.360.
[182]Cf. A.SEN, op.cit., p.360.
[183] Cf. Idem pp.360-361.
[184]Idem,p.361.
[185] Idem, p.350.
[186] http://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance, consulté ce 18- 06- 2014, 18h00.

[187] La résilience est la capacité de quelque chose de revenir à sa forme initiale après avoir été tiré, tendu, pressés, cintrés, etc. URL : http://www.merriam-webster.com/dictionary/resilience, consulté ce lundi 14-07-2014, à 9h17.
[188] A.SEN, op.cit., p.198.
[189] Ibidem.
[190]A.SEN, op.cit., p.198.
[191] Idem, pp. 200-201.
[192] Cf. Ibidem.
[193] Cf. Ibid.
[194] A.SEN, op.cit., p.203
[195] Ibidem.
[196]A.SEN,op.cit.,p.203.
[197] Idem, p.205.
[198] Idem, p.206.
[199]Ibidem.
[200] Idem, pp.207-208.
[201]Cf.A.SEN, op.cit., p.209.
[202] Nous pensons que le monde est déjà dans une nouvelle ère qu’on pourrait qualifier de Postmodernité. L’Epoque Contemporaine aurait pris fin vers les années 90, période où l’on assiste aux mouvements de démocratisation qui ont suivi la chute du mur de Berlin, d’une part, et du développement rapide de la technologie de pointe (internet, téléphone, etc.), une période de programmation, caractéristique de l’ère de l’intelligence artificielle, d’autre part.
[203] Cf. A. SEN, Un nouveau modèle économique, p.11.
[204] Le contrôle qualité est un aspect de la gestion de la qualité. Le contrôle est une opération destinée à déterminer, avec des moyens appropriés, si le produit (y compris, services, documents, code source) contrôlé est conforme ou non à ses spécifications ou exigences préétablies et incluant une décision d'acceptation, de rejet ou de retouche. (Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Contr%C3%B4le_qualit%C3%A9, consulté ce 08-07-2014 à 08H08.

1 commentaire:

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